Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIII.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
81
ANALYSES.e. mach. Analyse der Empfindungen.

à cette étude ; mais il repousse toute prétendue explication « mécanique » d’une fonction physiologique. Il lui suffit de poser le principe du « parallélisme du psychique et du physique ». Un autre principe le guide dans ses recherches sur les sens, celui de la ‹ différenciation suffisante », et ce principe signifie que toute variation survenue dans le rapport d’un A et d’un B, dès qu’elle est assez grande pour être remarquée, trouble la pensée habituelle que nous avons de ce rapport et nous contraint à corriger notre habitude jusqu’à ne plus sentir ce dérangement.

M. Mach a étudié particulièrement les sensations d’espace et celles de temps. Les sensations de la vue, dit-il, se décomposent naturellement en sensations de couleur et sensations d’espace. Nos sensations colorées lui paraissent répondre à des conditions chimiques favorables ou défavorables (il note l’importance, dans le régne vivant, de la chlorophylle et de sa complémentaire l’hémoglobine), et il voudrait qu’une théorie des couleurs associât les faits d’ordre biologico-physiologique avec les faits d’ordre physico-chimique. La sensation de couleur est le moment chimique de la vision ; celle d’espace en est le moment mécanique (la locomotion intervient de l’une à l’autre). Il apporte à cette question tant débattue de l’espace son tribut d’expériences. Elles montrent les conditions de la reconnaissance des figures semblables pour le géomètre et pour le simple voyant. Tandis que cette reconnaissance est surtout intellectuelle pour le géomètre, la ressemblance optique dépend de l’orientation des figures semblables. Les sensations semblables sont liées, en somme, à des fonctions motrices symétriques, et les qualités physiologiques des figures d’espace dépendent de la facilité des mouvements de l’œil. Il est probable, dit M. Mach, que ces qualités mêmes ont incité aux recherches géométriques. L’étude des droites, par exemple, n’a pas été due à leur propriété d’être le plus court chemin d’un point à un autre, mais bien plutôt à leur plus grande simplicité physiologique. La méthode de la congruence des figures a eu le même motif.

D’autres expériences, que je regrette de ne pouvoir exposer dans le détail, expériences qui mettent en évidence les mouvements compensateurs inconscients de l’œil pendant la rotation, par exemple, de notre corps sur son axe, conduisent M. Mach à accepter deux organes d’innervation antagonistes. Il trace en conséquence un schéma sur lequel il étudie les phénomènes d’innervation, et il conclut enfin que toute sensation de mouvement et d’espace est réductible à une « qualité de sensation ». Cette qualité serait la volonté même d’exécuter les mouvements de l’œil, et la sensation d’innervation équivaudrait à la sensation d’espace. Remarque incidente. L’espace optique reste différent de l’espace géométrique. À l’influence de l’espace optique est due la distinction des courbes en concaves et convexes ; l’espace géométrique ne comporte qu’une décroissance des ordonnées à partir d’un point milieu. Autres remarques intéressantes sur le rôle, en particulier, de nos représentations, c’est-à-dire de la vie de l’esprit, dans la production des images sensibles.