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ANALYSES.e. mach. Analyse der Empfindungen.

M. Mach ne nous donne pas une théorie achevée, et son livre est d’abord un livre de matériaux. Mais ces matériaux ont une véritable valeur. Il faut lire l’ouvrage même ; il est excellent et contient beaucoup en peu de pages.

Lucien Arréat.

Julius Duboc. — Die Tragik vom Standpunkte des Optimismus mit Bezugnahme auf die moderne Tragödie. (Le tragique au point de vue de l’optimisme et relatif à la tragédie moderne.) — Hamburg, H. Grüning, 1886, XI, 140 p. in-8o.

M. Duboc s’est proposé, en ce nouvel ouvrage, de définir exactement le tragique, et son sujet n’est pas si mince qu’il pourrait sembler d’abord aux esprits inattentifs. Le drame, en effet, est la forme la plus haute de la poésie, et la valeur du drame dépend beaucoup du moment de la vie qu’il représente. M. Duboc en fait très bien la différence. Tout ce qui nous saisit et nous émeut n’est pas tragique, et petit est le nombre des poètes qui ont su choisir les moments vraiment tragiques de l’action.

Les pessimistes ont attaché une importance particulière à l’étude du tragique. Ils ont vu dans le conflit moral insoluble une preuve du mal de l’existence. M. Duboc ne pouvait manquer à considérer le conflit moral sous un autre point de vue, et sa conception particulière de l’optimisme l’a conduit à substituer au terme obscur de la purgation des passions (la κάθαρσις d’Aristote) un nouveau terme qui signifie le relèvement de l’âme et l’essor vers le sublime. Il a eu la bonne fortune de trouver dans la langue allemande un même mot qui désigne cette action d’élever (erheben) et cet effet esthétique du sublime (das Erhabene). S’élever toujours, c’est le dernier mot de l’optimisme de M. Duboc. J’ai à peine besoin de rappeler les grands traits de sa doctrine à nos lecteurs[1]. Elle est une croyance au progrès, non pas seulement de notre espèce sur le globe, mais de l’univers même dans l’infini du temps. Elle fonde cette croyance sur la bonté du vouloir, sur l’effort constant vers le mieux, qui est le vrai fond de la volonté, et d’ailleurs elle ne s’égare pas à préciser les circonstances de cette marche progressive de l’univers, de cette ascension de l’être dans l’éther du ciel dont l’impulsion de notre propre effort semble trahir le puissant battement de pouls. Dès lors le moment tragique signifie un moment du procès de l’univers dans l’individu, et l’art tragique a pour tâche de « traduire le mouvement interne du monde en émotions ».

Cette définition aurait le mérite de convenir également à l’art moderne et à l’antique tragédie du destin ; car la destinée antique représentait la puissance de l’ordre du monde. Bulthaupt (auteur tragique et esthéticien) a écrit aussi que la tragédie est dans la vie avant d’être dans

  1. V. l’article Un athée idéaliste, dans la Revue philosophique de nov. 1884.