aujourd’hui l’origine des faits de conscience : pensées, émotions, désirs. Ils croient avoir ainsi trouvé le phénomène vraiment élémentaire auquel se réduirait la complication de nos états intérieurs. Qu’est-ce pour eux que la pensée ? Une action réflexe encore lente, qui prend le temps de se sentir elle-même ou de se raisonner. Qu’est-ce que l’émotion et la volonté ? Des actions réflexes encore mal organisées, qui s’attardent dans la région de la conscience avant d’avoir acquis la sûreté mécanique de l’inconscient. En d’autres termes, la pensée, le sentiment, le désir sont du mécanisme encore « imparfait » qui ne doit sa conscience de soi qu’à sa lenteur. Telle est la doctrine en faveur, selon laquelle le réflexe purement mécanique, en se compliquant, serait devenu le mouvement appétitif. Mais on peut concevoir, au contraire, que le mouvement appétitif en se consolidant, en se réduisant de plus en plus à sa partie mécanique, soit devenu, par habitude d’abord, puis par hérédité, l’action réflexe purement automatique des physiologistes. En ce cas, le mouvement réflexe, au lieu d’être le principe des émotions et des appétits, serait de l’émotion refroidie, de l’appétit fixé et devenu mécanique. Cette question est cardinale pour la psychologie, disons plus, pour la biologie et la cosmologie.
Spencer, lui, a résolu le problème en deux sens contradictoires : sa psychologie se trouve séparée en deux tronçons qui cherchent vainement à se rejoindre et finissent même par se combattre, loin de former ce qu’il appelle « une totalité entièrement sui generis ». On sait, en effet, que son système de psychologie est divisé en deux parties, l’une analytique, l’autre synthétique. Or dans la partie analytique, de décomposition en décomposition, Spencer aboutit, comme à un élément irréductible, au « sentiment de différence », c’est-à-dire à un acte conscient, quelque rudimentaire d’ailleurs que cet acte lui paraisse. Au contraire, dans la partie synthétique, Spencer prend pour point de départ, avec Huxley et Maudsley, l’acte réflexe conçu comme purement automatique et inconscient « L’acte réflexe, dit-il, est la forme la plus inférieure de la vie mentale[1] ». Mais comment un réflexe, entendu comme simple transmission mécanique et avec exclusion absolue de tout élément d’ordre mental, peut-il être la forme la plus inférieure de la vie mentale ? Comment surtout l’acte réflexe peut-il se confondre avec le sentiment de différence, s’il ne renferme aucune conscience, aucun sentiment ? L’hiatus est visible. Les actes réflexes, conçus comme purement automatiques, ne suffisent point à rendre compte
- ↑ Psychologie, I, p. 456.