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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/192

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ESTHÉTIQUE ET PSYCHOPHYSIQUE[1]

Mon cher Directeur,

Les originales publications de M. Ch. Henry sont de nature à exercer une influence considérable sur les esprit curieux de recherches psychophysiques ; je crois qu’elles troubleront les idées, déjà bien peu nettes, des personnes qui s’occupent d’esthétique en France. Il me semble que le compte rendu de M. Lechalas n’a point porté la question sur son véritable terrain et je me permets de vous soumettre quelques observations nouvelles.

Je ne chercherai pas querelle à M. Henry sur ses raisonnements ; je ne les comprends pas ; mais ce n’est point une raison pour qu’ils ne soient pas exacts. L’auteur a beaucoup étudié Wronski, et cette fréquentation n’est pas de nature à rendre son exposition simple et lucide.

Beaucoup de personnes laisseront de côté les raisonnements et iront droit aux résultats. M. Henry s’efforce de ramener à sa théorie un très grand nombre de formules connues, ce qui lui permet de présenter son système comme un vaste essai de synthèse, justifié au moins par son importance pratique. Il me semble qu’il n’a pas toujours la main heureuse. Il nous signale comme éminemment remarquables la section dorée et la division harmonique : tous les artistes savent qu’elles n’ont aucune valeur esthétique.

Mais je ne veux pas m’arrêter à discuter les détails ; j’ai hâte d’examiner le principe même de la méthode. M. Henry prétend que tout effet esthétique se ramène à un effet dynamogène et il cherche à déterminer les directions qui jouissent de cette propriété. Il ne lui est pas difficile de reconnaître certains mouvements de nos membres comme ayant une valeur dynamogène bien marquée ; mais il n’en recherche pas la signification psychologique et il arrive ainsi à mêler des choses tout à fait disparates.

Toutes les attitudes qui se rapportent à la marche en avant, à la lutte victorieuse, à l’assaut triomphant, sont évidemment dynamogènes ; et il est presque inutile d’en indiquer la raison. Mais a-t-on le droit de conclure que cet effet psycho-physique tient à la direction même des lignes ? Sur un tableau représentant une charge de cavalerie, effacez les hommes et les chevaux et remplacez les sabres par de simples droites ; l’effet sera burlesque. La valeur dynamogène des attitudes humaines est liée d’une manière très étroite au substratum humain.

  1. Nous publierons dans le prochain numéro la réponse de M. Ch. Henry.