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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/266

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combattre sa thèse fondamentale et favorite : que l’intelligence humaine est organisée de façon à passer successivement par trois phases, l’état théologique, l’état métaphysique et l’état positif, dans tous les genres de spéculation, sans en excepter celles de la science proprement dite[1]. C’est à lui, en effet, qu’appartient cette réflexion si juste et qu’on a trop peu citée : « La philosophie théologique, même dans la première enfance individuelle ou sociale, n’a jamais pu être universelle, c’est-à-dire que, pour tous les ordres de phénomènes, les faits les plus simples et les plus communs ont toujours été regardés comme assujettis à des lois naturelles, au lieu d’être attribués à la volonté d’agents surnaturels. Adam Smith a très heureusement remarqué dans ses Essais philosophiques qu’on ne trouvait, en aucun temps, ni en aucun pays, un dieu pour la pesanteur[2]. » Cette remarque est à rapprocher de cette autre que Comte laisse tomber en passant et qui est grosse de conséquences : « Ainsi le germe de la philosophie positive est tout aussi primitif que celui de la philosophie théologique, quoiqu’il n’ait pu se développer que beaucoup plus tard. Une telle notion importe à la rationalité de notre théorie sociologique. En effet, la vie humaine ne pouvant offrir aucune création, mais une simple évolution, le développement de l’esprit positif deviendrait scientifiquement incompréhensible, si dès l’origine on n’en apercevait les premiers rudiments[3]. »

« C’est, dit encore Comte, l’ébauche des premières lois naturelles propres aux actes individuels ou sociaux, qui, fictivement transportée à tous les phénomènes du monde extérieur, a d’abord fourni le principe de la philosophie théologique. » Ainsi, selon Comte lui-même, la vraie source de la théologie a été un savoir incomplet et indûment étendu du faîte inélevé à la base à peine ébauchée de l’édifice scientifique.

Ailleurs encore, à côté d’une notable erreur, nous trouvons chez Comte la reconnaissance formelle de la corrélation étroite qui a toujours existé entre le développement de la science et l’évolution des idées philosophiques. « La première apparition de la science, dit-il, bien que bornée aux simples conceptions mathématiques, suffît pour déterminer une importante réaction philosophique, favorable à la métaphysique, et opposée à la théologie. En accomplissant la destruction du polythéisme, la métaphysique s’empare, dès cette époque, de l’étude du monde extérieur[4]. » L’erreur, — avons-nous

  1. Cours, résumé par Rig, II, p. 152.
  2. Ibid., pp. 161-162.
  3. Ibid., p. 162.
  4. Ibid.., p. 473.