Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/271

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
261
ROBERTY.l’évolution de la philosophie

ou se transmettent l’un à l’autre ; ce serait, en d’autres termes, de déterminer leurs vrais rapports mutuels, les liens de causalité qui les unissent, l’ordre de filiation ou d’évolution dans lequel ils se suivent nécessairement.

Cette tâche, Comte se l’est également imposée. Il ne s*est pas borné, il faut le dire à son honneur, à constater la réciprocité naturelle et évidente de tous les éléments dont se compose une civilisation ; il a voulu toucher le fond même de ce phénomène si intéressant. Mais c’est précisément dans cet ordre d’idées qu’il a accumulé erreur sur erreur, et confusion sur confusion, à tel point que sa théorie de l’évolution intellectuelle de l’humanité doit aujourd’hui être rejetée en bloc.

Ce qui frappe tout d’abord dans ses raisonnements à ce sujet, c’est l’étrange et inexplicable dualisme qui lui fait admettre deux ordres opposés de succession, deux marches absolument inverses d’évolution, l’une pour le passé, pour la civilisation ancienne, et l’autre pour le présent, pour la civilisation moderne, qu’il date des cinq derniers siècles. « La civilisation ancienne, issue d’un état théocratique, dit-il, a procédé du principe le plus général pour descendre aux applications particulières. La philosophie s’est développée la première, chez les anciens, sous la forme théologique, seule possible à un tel âge. Ensuite est venue la science, avec un caractère analogue, après sa séparation du tronc commun de la théocratie. Enfin s’est montré l’art qui a été longtemps un simple auxiliaire de l’action théocratique. Quant à l’élément industriel, il était étouffé sous l’esclavage des travailleurs. » Mais ce mouvement du général au particulier ou de l’abstrait au concret ne s’est conservé aujourd’hui, s’il faut en croire Comte, que dans la détermination du développement intérieur de chaque élément de la civilisation moderne, soit de la philosophie seule par exemple, soit de la science, de l’art ou de l’industrie. Quant au mouvement extérieur, au mouvement d’ensemble qui embrasse la série entière des éléments de l’évolution intellectuelle moderne, il subit, depuis cinq cents ans, une loi essentiellement différente. « C’est, dit Comte, seulement lorsqu’on néglige de distinguer l’ébauche de chaque élément d’avec son incorporation au système de la civilisation moderne, qu’on peut hésiter sur le sens ascendant ou descendant de l’ordre des quatre évolutions partielles. Mais, eu égard à cette différence, il ne peut rester aucun doute sur le sens ascendant d’une telle série pendant les cinq derniers siècles. » Le développement industriel est le vrai point de départ de la civilisation actuelle, la base unique et durable des sociétés modernes. L’évolution esthétique et l’évolution scientifique