d’ailleurs un commentaire du Parménide, commentaire reprenant, développant et parfois critiquant les études de Proclus sur ce dialogue. Cependant la majorité des juges compétents s’accorde pour reconnaître que ce commentaire est intimement lié au περὶ ἀρχῶν et qu’à part une lacune relativement peu considérable, il en est la suite naturelle. C’est l’opinion qu’a adoptée M. Ruelle dans ses études antérieures, qu’il a consacrée par le titre donné à tout l’ouvrage[1], qu’enfin il a heureusement défendue dans une communication récente à l’Académie des inscriptions et belles-lettres (août 1889). Ainsi le περὶ ἀρχῶν lui-même ne doit être considéré que comme le début d’une étude approfondie sur le Parménide.
Cependant il faut s’entendre : Damascius, ainsi qu’avant lui Proclus, commente Platon absolument de la même façon que les Pères de l’Eglise commentent les écritures hébraïques ; les deux parties de l’ouvrage (la seconde a ce caractère tout aussi bien que la première) constituent par leur ensemble un véritable cours de théologie à l’usage des derniers hellénisants. Malgré toute la subtilité dépensée, cette théologie n’est d’ailleurs en rien plus rationnelle que celle des chrétiens ; elle a au reste une origine aussi récente ; le génie grec, après le grandiose effort de Plotin, a été submergé par le mysticisme oriental et les derniers platoniciens usent vainement leurs forces à étayer, sur des textes anciens, leurs croyances empruntées à des superstitions étrangères. Il est clair qu’Origène par exemple, en traitant Des Principes, avait, en tout cas, meilleur jeu, et que la théologie helléniste du vie siècle ne pouvait guère faire bonne figure vis-à-vis de celle des chrétiens.
Malgré toutes les études consacrées au néoplatonisme, le véritable caractère de la religion des derniers philosophes grecs est loin d’être connu ; il y a pourtant là un problème des plus curieux ; mais il n’appartient nettement ni à l’histoire de la philosophie, ni à l’histoire des religions ; aussi risque-t-il de rester longtemps encore sans être élucidé.
L’ouvrage de Damascius est le plus important élément de ce problème ; la publication de la partie inédite était donc éminemment désirable. Si quelque travailleur voulait se hâter de la mettre à profit, il devra cependant s’armer de courage et de patience ; car il s’agit d’une matière passablement abstruse et difficile à assimiler. Peut-être serait-il préférable, pour les premiers temps, de se livrer à des études fragmentaires, pour lesquelles on peut trouver de nombreux sujets. D’ailleurs, le texte ne repose que sur des manuscrits très défectueux, et, malgré le travail consciencieux de l’éditeur, une revision attentive reste nécessairement indispensable au point de vue philosophique. Il est inutile d’ajouter que l’édition actuelle est munie de l’apparat critique indispensable à cet effet.
- ↑ Ce titre est la fusion des deux intitulés distincts qu’on trouve dans les manuscrits.