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Mosso, les yeux étant clos, nous avons pris une série de temps de réaction simple de la main droite à un contact sur l’éminence thénar. Après un repos, le sujet étant dans la même position, nous avons suspendu au médius gauche, resté libre, un poids qui exerce au moyen d’une poulie une traction suivant l’axe du membre ; puis le temps de réaction a été repris de la même manière. Après un nouveau repos, pendant lequel on a enlevé le poids, on exerce une nouvelle traction dans les mêmes conditions avec un poids supérieur au premier, et ainsi de suite s’il y a lieu. Les poids employés à cette traction mécanique ont varié de 1 à 10 kilogrammes.

Nous avons vu dans des expériences précédentes que l’exercice modéré d’un membre provoque une tension des muscles du membre symétrique dont l’énergie volontaire s’accroît[1]. Si la tension des muscles est provoquée par une traction mécanique, elle agit de même. La tension artificielle des muscles a un autre effet encore : elle modifie la durée du temps de réaction. Tant que le poids qui exerce une traction sur le fléchisseur de la main gauche n’a pas produit la fatigue, il détermine à mesure qu’il s’accroît une diminution du temps de réaction de l’autre main. C’est-à-dire que la tension artificielle purement mécanique d’un muscle entraîne, dans un point éloigné du corps, une augmentation d’énergie, en même temps qu’une augmentation de la rapidité de la réaction ; c’est-à-dire que cette tension artificielle détermine les effets ordinaires de l’attention dite volontaire.

Ces expériences paraissent montrer que la tension musculaire générale constitue bien la condition physiologique de l’attention.

J’ai, du reste, institué une autre expérience qui, bien que n’étant pas à l’abri de tout reproche, constitue une sorte de contre-épreuve de la précédente. L’avant-bras et la main gauche du sujet sont disposés comme pour l’expérience de l’ergographe de Mosso ; un poids de 2 kilogrammes exerce une traction comme précédemment sur le médius gauche en demi-flexion. Le cylindre enregistreur est mis en mouvement ; pendant que le métronome inscrit les secondes, la plume de l’ergographe inscrit l’allongement du muscle. Au bout de 30 ou 40 secondes, on présente au sujet une feuille de papier sur laquelle sont inscrits trois nombres de trois chiffres qu’il s’agit d’additionner mentalement ; on marque le commencement et la fin de l’opération. Le tracé montre que, pendant la période qui a précédé le calcul, l’allongement du muscle est assez rapide ; pendant le travail mental, au contraire, l’allongement est à peu près nul et

  1. Ch. Féré. L’énergie des mouvements volontaires et la sensation de poids (C. R. Soc. de Biologie, 1890, 10 mai).