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L’exaltation générale de l’activité motrice dans le processus physiologique de l’attention était importante à constater expérimentalement. Elle semble démontrer que c’est à tort que l’on fait intervenir l’hypolhèse de l’action d’arrêt, de l’inhibition, dans la physiologie de l’attention. Nous voyons que, dès que la tension des muscles fait défaut sur un point, les effets de l’attention s’atténuent ; la tension générale est le support nécessaire de la réaction locale. Il existe des conditions dans lesquelles une excitation très intense, qu’elle vienne de l’extérieur ou du dedans, amène une suspension de telle ou telle activité locale, comme dans la peur, l’étonnement ; mais cette suspension locale, est en réalité, un effet de l’épuisement nerveux consécutif à une décharge excessive, où l’activité motrice a pu se manifester sous des formes diverses, mais bien saisissables. On n’est pas fondé à dire que cette suspension d’activité locale est un effet de la volonté, ni qu’elle favorise telle autre activité. La peur a quelquefois des effets locaux nettement prédominants contre lesquels le sujet peut lutter dans une certaine mesure ; le maréchal de Luxembourg était pris de fièvre et de diarrhée pendant la bataille : « Dans ces moments-là, disait-il, je laisse faire à mon corps tout ce qu’il veut, pour conserver tout mon esprit à l’action. » Les mêmes faits peuvent s’observer dans l’ivresse : « Le maréchal de Villars fut adonné au vin même dans sa vieillesse. Allant en Italie pour se mettre à la tête de l’armée dans la guerre de 1734, il alla faire sa cour au roi de Sardaigne tellement pris de vin qu’il ne pouvait se soutenir et qu’il tomba à terre. Dans cet état, il n’avait pourtant pas perdu la tête, et il dit au roi : Me voilà porté tout naturellement aux pieds de Votre Majesté. » Dans ces circonstances, dont on pourrait multiplier les exemples, l’attention persiste malgré les phénomènes paralytiques qui ne peuvent cependant qu’en atténuer les effets.

Tout acte qui emploie une certaine quantité d’énergie diminue la tension générale, tend à détruire le support de l’attention orientée vers un point quelconque, et à détruire ses effets actiffs. Deux activités ne peuvent s’exercer simultanément à leur maximum d’intensité. Les actes des fonctions de nutrition ont à cet égard la même valeur que le travail mécanique des muscles de la vie de relation. Nous sommes disposés à oublier que le travail silencieux de la nutrition use peut-être plus de force que beaucoup de gens n’en dépensent en travail neuro-musculaire[1].

La suspension des autres activités qui se manifeste à propos d’une

  1. Clifford Albutt, Gultosonian lectures on visceral neuroses. 1884.