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ch. féré. — physiologie de l’attention

attention locale n’est qu’une application de la loi de l’équivalence des forces ; elle n’a rien à faire avec la volonté. Il a été vérifié que lorsqu’on excite l’attention d’un chien par la vue de la viande, il devient plus difficile d’obtenir les effets ordinaires de l’excitation des centres moteurs corticaux ; de même lorsque les centres de la mastication sont en activité, l’excitabilité des centres moteurs des membres diminue[1]. Bubnoff et Heidenhain ont vu de leur côté qu’une excitation douloureuse atténue l’excitabilité de l’écorce, tandis qu’une excitation sensorielle modérée l’exagère.

D’autre part, Exner a constaté que l’excitation électrique des muscles favorise l’excitabilité des centres corticaux de ces muscles. Cette expérience montre que l’activité artificiellement provoquée des muscles favorise l’action que le cerveau exerce sur eux. C’est sous une autre forme l’expérience rapportée plus haut.

Les psychologues paraissent avoir quelquefois confondu avec le repos, l’immobilité volontaire, qui au point de vue mécanique en est fort éloignée, car Béclard a montré que la contraction statique produit plus de fatigue et fait augmenter la température du muscle plus rapidement que la contraction dynamique. L’immobilité volontaire résulte d’activités musculaires très intenses, elle a pour condition physiologique la tension générale de la musculature, qui met le sujet dans un état tel qu’il peut réagir le plus vite et le plus énergiquement possible à une excitation quel que soit le point où elle porte. C’est la condition physiologique de l’attention. On ne peut prolonger l’immobilité volontaire, c’est-à-dire l’attention, qu’à condition d’avoir de bons muscles, bien innervés et bien nourris, On peut dire que l’exercice de l’immobilité est l’exercice le plus favorable au développement de l’intelligence : une éducation qui négligerait cet exercice supprimerait l’attention, ce serait une éducation régressive.

Si la tension volontaire ou involontaire des muscles favorise l’attention et l’activité psychique en général, le relâchement des muscles tend au contraire à supprimer l’attention et l’activité psychique. C’est par le relâchement des muscles que certains individus peuvent se procurer le sommeil à volonté ; chez ces sujets, qui déploient ordinairement une grande activité tant physique que psychique, le décubitus seul peut amener le sommeil : l’effet se produit d’autant mieux que le sujet est soustrait aux excitations extérieures ; mais cette dernière condition n’est pas indispensable.

  1. Tarchanoff, Sur les centres psycho-moteurs des animaux nouveau-nés (Revue mensuelle de méd. et de chir., 1878).