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ANALYSES.p. laffitte. Cours de philosophie.

selon le but de celui qui l’enseigne ; un cours de physiologie ne sera pas le même, il ne contiendra pas les mêmes faits et les faits pourront être autrement disposés et rattachés les uns aux autres, selon qu’il s’adressera à de futurs savants, à de futurs médecins, à de futurs vétérinaires, à des gens du monde, à des mères de famille ; mais cette disposition de diverses synthèses subjectives ne semble pouvoir être pratiquement recommandable que lorsqu’il s’agit d’un subjectif déterminé, d’une fonction sociale particulière, parce que je ne crois pas que nous connaissions suffisamment les fonctions humaines en général pour déterminer un moule général de nos connaissances qui jusqu’à un certain point d’ailleurs serait inspiré par notre nature même et par notre milieu sans que nous nous en mêlions. Peut-être convient-il de se fier plus longtemps, et jusqu’à ce que nous soyons plus éclairés, à la finalité immanente.

Aussi tout en reconnaissant — avec tout le monde, je pense — que toutes les connaissances n’ont pas la même valeur et que celles qui ont le plus de valeur doivent être recherchées de préférence, nous éprouvons quelque méfiance devant les recommandations positivistes. Lorsqu’on nous dit de M. Regnault corrigeant la loi de Mariotte qu’il a porté préjudice à la science et à l’humanité et que « les savants qui, à l’instar de M. Regnault, passent leur vie à remplacer par des tableaux dont les praticiens n’ont que faire, les lois découvertes par le génie de leurs prédécesseurs sans que la pratique l’ait exigé, sont, dans l’ordre intellectuel, aussi condamnables que les hommes qui, dans l’ordre social, passent leur vie à se révolter contre des institutions nécessaires », nous pensons que les praticiens pourront parfaitement continuer à se servir d’une formule approximative qui leur sera utile, mais qu’il est bon que les savants soient prévenus que cette formule est inexacte, car l’inexactitude d’une formule une fois reconnue peut mettre sur la voie de découvertes importantes, et il n’est peut-être pas mauvais que l’humanité garde — au moins dans quelques-uns de ses représentants — l’idée que ses formules sont rarement rigoureuses, et qu’il faut se tenir prêts, tant que notre adaptation ne sera pas terminée, à remplacer quelquefois des théories par d’autres plus vraies et quelquefois supérieures. Lorsqu’on nous parle des inconvénients de l’introduction dans la science de « ces appareils de précision, par qui nos sens acquièrent une si extraordinaire puissance », nous pensons aux applications pratiques du microscope pour l’hygiène et la médecine et nous ne pouvons guère être d’accord avec le philosophe qui êcrit : « Alors que nous embrassons déjà avec une difficulté singulière la masse des phénomènes que nos sens, dans leur médiocrité, nous révèlent, n’est-ce point folie que d’en chercher de nouveaux ? »

Mais il est vraiment trop facile de faire au positivisme ces objections qui viennent forcément à l’esprit de tout le monde, et qui risqueraient d’empêcher de voir en quoi il est bon et solide même dans ses parties les plus bizarres en apparence. Prenons par exemple ce qui paraît