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Cependant l’ordre d’abstraction progressive et systématique est-il le seul ordre fondamental de rapports qui doive servir de base à cet arrangement rigoureux que les différentes parties d’un ensemble de faits auront à prendre dans notre esprit pour permettre à la science de les saisir, de les pénétrer, de les embrasser, de s’en rendre maîtresse ? Non. À côté de cet ordre de composition idéale duquel il s’agit quand on dit, mais alors purement au figuré, que le genre est un composé d’espèces congénères, et qui porte sur la relation du général au particulier, il y a à considérer l’ordre de composition réelle, lequel a trait au rapport du tout à la partie. La distinction nette de ces deux ordres d’idées si profondément, si primordialement distincts, a échappé au discernement des logiciens ; ils ont l’habitude de les confondre par la plus grave des méprises. C’est ainsi qu’ils sont coutumiers de dire que le corps est un terme général par rapport aux membres, de même qu’animal est également un terme général pour les différents animaux. Cette confusion est une erreur de point de départ qui, dans certaines catégories de faits, empêche absolument l’esprit d’arriver à se faire une saine et claire idée de la méthode.

Des deux ordres de rapports taxinomiques fondamentaux que je viens de distinguer, le premier, que j’appellerai encore celui de la généralité progressive, est essentiel à toute classification ; l’autre, qu’on pourrait nommer à son tour celui de la collectivité progressive, ne se joint au premier que dans la classification de certaines catégories d’objets seulement. Les classifications de la botanique et de la zoologie, dont les espèces végétales et les espèces animales font l’objet, sont exclusivement établies sur l’ordre de généralité ; des spécimens typiques de l’ordre composite comprenant celui de généralité et celui de collectivité nous sont offerts par la taxinomie de deux sciences qui n’ont guère entre elles d’autre point commun, la chimie et la grammaire. Je prendrai mes exemples dans cette dernière, parce que les principes en sont familiers à tous les lecteurs.

L’objet de la grammaire, le discours, se décompose en une grande variété de parties ; ainsi, entre autres, on y distingue des phrases incidentes ; des a, des b ; des superlatifs comparatifs ; des voyelles brèves, des indicatifs présents, des verbes, des syllabes, des ablatifs, des diphtongues, des périodes, des radicaux, des prépositions, des suffixes, des cas, des temps, des féminins, des mots, des modes, etc. Certes, tout ce que je viens d’énumérer est partie composante du mobilier grammatical, mais, ainsi offertes pêle-mêle, ces parties, bien qu’appartenant toutes à un même corps d’idées, présentent une masse hétérogène, rudis et indigesta moles, dont la monstrueuse