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fr. paulhan. — le nouveau mysticisme

nouveaux ont été disloqués, brisés, anéantis ; peut-être dans ce désarroi général la haute antiquité, la puissante organisation du catholicisme qui fut si fortement mêlé à notre vie nationale, lui vaudront-elles de survivre, et lui feront-elles au milieu des ruines de croyances plus récentes une nouvelle jeunesse. S’il se montre assez souple pour s’accommoder aux croyances nouvelles de la vie sociale, et assez hardi pour ne pas s’effrayer des conquêtes de la science[1], il peut pendant longtemps non seulement subsister, mais avoir sa part d’influence, une part considérable.

Malgré tout, pas plus que les autres branches du christianisme, il ne pourra garder la direction des esprits ; si les religions existantes se sont montrées impuissantes à suffire à l’intelligence de l’homme moderne, elles n’ont pas été moins impuissantes à contenter son cœur. Ou les religions se déformeront au point de n’être plus elles, ou bien elles seront toujours combattues par les exigences de l’esprit comme par celles de notre conscience. Le livre de Guyau sur ce point sera longtemps vrai, sa critique reste, et si elle nous montre en quoi les religions anciennes ne nous satisfont plus, elle nous montre aussi en quoi les nouvelles ne peuvent nous satisfaire. C’est folie que de vouloir adapter à des idées modernes des formes anciennes qui séparées des croyances qui les font vivre et de leur sens historique, employées consciemment dans le but d’augmenter le prestige d’une institution quelconque, deviennent simplement grotesques. On aurait beau faire jouer les orgues à un enterrement civil, on ne lui donnerait pas le caractère particulier d’une cérémonie religieuse, mais il est possible par la dignité, le sérieux, de lui donner un caractère différent, mais de valeur égale. Des parodies comme le sécularisme, « religion purement athée et utilitaire ayant conservé le plus possible le rituel de l’Église anglicane[2] », n’ont aucune valeur.

Une chose peut préserver le mouvement actuel de la réaction excessive, c’est le maintien de l’esprit scientifique, du naturalisme au bon sens du mot. Plus que jamais on éprouve le besoin de savoir, de savoir avec précision, de savoir beaucoup, plus que jamais aussi on veut analyser ce qu’on sait et aussi ne prendre les analyses que pour arriver à la synthèse. Tant que ce besoin persistera, tout ira bien, rien ne fait maintenant présager son déclin ; cependant il peut être affaibli ou gêné par deux tendances légitimes, bonnes à certains égards, assez fortes aujourd’hui et qui, mal dirigées, peuvent lui

  1. Une revue, la Revue de la science nouvelle, s’est récemment fondée dans le but de défendre le catholicisme au point de vue scientifique.
  2. Guyau, l’Irréligion de l’avenir.