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son goût, à choisir parmi beaucoup de religions et autant de métaphysiques. Le danger de ces constructions provisoires est qu’elles continuent à subsister alors qu’on pourrait se passer d’elles : ce n’est pas encore. Quant à ceux qui pensent que si la tendance à l’harmonie est universelle, elle existe dans les éléments, non dans l’ensemble, que le monde n’est pas un organisme, mais, à bien des égards, un chaos, que les forces organisatrices dirigées les unes contre les autres s’enrayent à chaque pas, sans que nous puissions entrevoir le but concret vers lequel elles devraient se diriger, ils n’auront ni les consolations, ni l’espoir de se sentir d’accord avec l’infini. Mais sans être certains du progrès, ils peuvent espérer en l’avenir, et tout en désirant que l’on puisse faire mieux un jour, contribuer pour leur part, selon leur aptitude et leurs forces, à la meilleure organisation des systèmes organisés les plus élevés. Ils ne peuvent que voir avec plaisir, tout en en craignant les excès et les erreurs, un mouvement des esprits qui, s’il produit parfois quelques sentiments égoïstes, montre l’activité des tendances supérieures de l’homme, et la puissance du désir le plus élevé que nous puissions éprouver, celui de l’association harmonique la plus large possible[1].

Fr. Paulhan.

  1. Je dois indiquer, en terminant, des travaux parus depuis que cette étude est écrite et qui montrent l’activité des tendances étudiées ici. M. Fouillée a publié dans la Revue des Deux Mondes deux articles sur l’instruction où il considère, un peu comme Auguste Comte, la science au point de vue de l’humanité. M. Mazel, dans un intéressant article de la Revue l’Ermitage intitulé le Problème religieux, a signalé et apprécié, à un point de vue qui n’est pas le mien, le mouvement contemporain vers le mysticisme et la foi.