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L’ORIGINE DES SUFFIXES ET LE MÉCANISME DE LA DÉRIVATION

DANS LES LANGUES INDO-EUROPÉENNES


I

L’école de linguistique fondée en Allemagne par Bopp durant la première moitié de ce siècle et dont les doctrines eurent pour principaux adhérents et propagateurs Schleicher, Gorssen, Benfey, G. Gurtius, Max Müller, entendait par racine dans les langues indo-européennes une partie des mots, primitivement invariable et isolée, qu’un phénomène ultérieur appelé agglutination a réunie, en la soumettant à différentes modifications phonétiques, à d’autres parties également isolées auparavant désignées sous le nom de suffixe et de désinence. Antérieurement h l’agglutination, la racine était d’ailleurs susceptible d’assumer sous sa figure immuable toutes les fonctions grammaticales que se sont partagées plus tard les formes agglutinées ; l’adjectif, le nom concret et abstrait, le verbe à tous les temps, à tous les modes, et à tous les nombres, etc., etc., n’avaient que la racine nue pour moyen d’expression. J’ai fait voir naguère ici-même[1] l’origine de cette étrange théorie qu’aucun fait positif ne soutient et que la logique repousse. Du reste, et il n’y a pas lieu de s’en étonner, le système de l’agglutination paraît avoir vécu. Du moins, les coryphées de l’école qui essaye de se substituera celle de Bopp sous le nom de nouvelle grammaire, laissent de côté toute considération sur la manière dont les parties non radicales des mots se sont primitivement unies aux racines, et ne cherchent guère à dissimuler leur dédain pour toute tentative faite en vue de préciser le sens qu’il convient d’attacher au terme même de racine. À les en croire, la recherche de l’origine des racines serait de l’idéologie, et le positivisme grammatical interdit d’agiter de pareilles questions. On ne dit pas expressément qu’elles sont insolubles a priori, mais

  1. Revue philosophique, No de novembre 1889.