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REVUE GÉNÉRALE.le concept de matière

kallis) ne devaient pas reculer devant la conception de l’espace et du temps comme discontinus. Plus cette tentative était insoutenable au point de vue mathématique, plus elle offre un sérieux intérêt pour l’histoire philosophique.

Pour résoudre effectivement les problèmes de la continuité, il est essentiel d’armer la pensée d’un nouveau moyen, celui de la variabilité. C’est en particulier dans la mathématique que sa nécessité apparaît pour franchir le stade auquel les anciens se sont arrêtés, pour continuer la voie qu’avait ouverte Archimède. Le progrès est lié à la condition d’élargir la notion de l’égalité, en la reconnaissant comme suffisamment établie par l’identité de la loi du devenir ; à celle de représenter en général le changement des choses comme une espèce de grandeur.

Philosophiquement parlant, l’on peut dire que l’essence de la variabilité est proprement ce qu’il y a de réel dans les choses, que c’est précisément le même élément rationnel, qui rend pensable le changement des phénomènes et qui pose ce qui demeure dans ce changement. Cet élément, portant en lui-même la loi de son développement, et conçu comme susceptible de modification, est indispensable pour lier la causalité et la substantialité.

Ce nouveau moyen de penser est d’ailleurs en relation intime avec la notion de continuité et l’on peut formuler ce principe de l’expérience que, dans tout phénomène, ce qu’il y a de réel consiste dans sa tendance à se prolonger dans le temps.

Les doctrines de Plotin contenaient déjà la notion de la tendance interne au changement et c’est leur renouvellement au xve et au xvie siècle, qui est l’origine de l’introduction dans la science du moyen de penser de la variabilité.

Mais le premier pas décisif pour la constitution de la théorie corpusculaire consista à nier la possibilité de la transformation réciproque des éléments, c’est-à-dire à substantialiser l’extension. La conception de l’atome est le résultat nécessaire de cette substantialisation ; toutefois elle n’appartient qu’au physicien, le géomètre étant indifférent dans la question, du moment où le mode de penser de la variabilité lui permet de résoudre les antinomies du continu.

Cependant la conception de l’atome soulève une sérieuse difficulté par suite de l’exclusion du mode de penser de la causalité. On se trouve alors devant le dilemme de l’occasionalisme ou de l’harmonie préétablie. La solution ne peut s’obtenir que du point de vue du criticisme qui permet de reconnaître la nécessité d’effectuer, comme condition de la possibilité de l’expérience scientifique, une synthèse de la quantité, de la substantialité, de la variabilité et de la causalité.

Le second progrès historique de la théorie corpusculaire consista à concevoir le mouvement comme une réalité intensive, par l’application du mode de penser de la variabilité. Ce progrès fut accompli par Galilée lorsqu’il définit l’accélération en la considérant comme une qualité du