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L’esprit a donc une portée objective. Quels sont les résultats objectifs auxquels il peut aspirer sur le monde matériel d’abord, sur l’esprit ensuite, enfin sur Dieu et la science en général ? Telles sont les dernières questions que se pose M. van Weddingen.

Il s’attache à montrer d’abord que la théorie péripatéticienne de la matière et de la forme s’accorde admirablement avec la physique moderne. Si l’on admet la théorie mécanique de l’univers comment se définiront tous les phénomènes ? Par deux éléments : 1o le mouvement ; 2o la quantité du mouvement. Le mouvement avec les substrats qu’il suppose, n’est autre chose que la matière ; les quantités diverses de mouvement qui différencient les êtres ou les phénomènes ne sont que les formes substantielles de ces êtres ou les formes accidentelles de ces phénomènes. Or, l’atome et son mouvement spatial sont évidemment des facteurs objectifs de la connaissance, car la conscience de l’esprit ne peut fournir à elle seule rien qui ressemble à un atome ou à un mouvement dans l’espace. Quant à la quantité de mouvement, l’esprit sent bien qu’il n’est pour rien dans les évaluations qu’il en fait, il ne peut rien sur la nature des phénomènes et des êtres qui sont en dehors de lui. Le monde matériel existe donc et les lois qu’il manifeste ont une réalité véritable.

Le monde de la vie et de la conscience n’a pas une existence moins réelle. Les vivants se distinguent des non-vivants par des caractères indéniables. Les plus hautes autorités de la science contemporaine, de Claude Bernard à Pasteur, attestent cette distinction. L’être conscient à son tour ne se distingue pas moins de l’être simplement vivant que celui-ci de l’être matériel. L’esprit forme un monde à part irréductible à tous les autres. Cette irréductibilité de la conscience a été à son tour constatée par les penseurs sincères de toutes les écoles. Les Lewes et les Taine se rencontrent ici avec les Caro et les Janet. L’auteur ne veut pas qu’on s’en tienne là. Puisqu’il a montré plus haut que les distinctions nécessaires de la connaissance correspondent à des distinctions réelles entre les êtres, il a le droit de conclure que l’être conscient est immatériel, privé qu’il est d’attributs spatiaux. Sur les pas du spiritualisme il affirme ainsi l’immortalité et la liberté de l’âme humaine, qu’il distingue de l’âme des bêtes par les considérations classiques.

S’élevant enfin à la connaissance de Dieu, l’auteur montre comment le concept de la cause première et de la fin universelle des choses découle des deux principes de finalité et de cause efficiente. Ces deux principes ayant une valeur objective, le concept auquel ils donnent naissance aura une valeur de même nature. Telle est la substance commune de toutes les preuves de l’existence de Dieu. Mais M. van Weddingen ne s’en tient pas là. Il ne croit pas que notre affirmation objective de la divinité soit seulement le fruit de démonstrations abstraites ; il croit que la constatation des tendances naturelles de notre être doit aussi servir de point de départ à une démonstration nouvelle et plus persuasive qui confirme la première. L’homme ne voit ses tendances satisfaites que