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que sur le fondement d’une telle connaissance reposera l’accord, cette fois définitif, de la science et de l’esthetique trop longtemps divisées. » Or, ce qui a écarté la philosophie de la solution de ces problèmes, c’est qu’elle a trop séparé la réflexion et les analyses rationnelles des aspirations et des besoins spontanés de la nature pratique de l’esprit. La philosophie de l’avenir rétablira l’harmonie entre les procès dynamiques de la spontanéité et les analyses statiques de la réflexion abstraite. « Avec son pressentiment exquis de l’harmonie des choses, le génie hellène avait exprimé cette vue en un symbole mythologique. Au sanctuaire de Mégare, l’on voyait la divine Aphrodite, la mère commune des vivants, entourée des statues de la Tendance, de l’Amour et de la Vérité. Dans le groupe de marbre, le sculpteur Scopas avait incarné l’âme de l’idéologie grecque. Plus que jamais, sous des formes diverses, ce sera celle de l’humanité. »

Nous avons à peu près rendu compte de la suite des idées que remplissent ce volume. Avant d’examiner brièvement le principe qui l’inspire, nous devons des éloges à l’auteur pour l’étendue de son information. Il est bien peu de livres contemporains qu’il n’ait dépouillés ou parcourus. Peut-être même met-il trop sur le même plan bien des auteurs et des ouvrages de mérite différent. Il a surtout, et nous devons lui en savoir gré, une attention particulièrement bienveillante pour notre école française de philosophie. Il pousse même la bienveillance un peu loin. Il dit quelque part que nous avons en France un très grand nombre de logiciens. C’est peut-être le contraire qui est le vrai. La logique est fort peu en honneur chez nous et il n’y a pas en France une seule chaire qui lui soit spécialement consacrée. L’ouvrage de M. van Weddingen présente un défaut plus sérieux : le souci trop grand de ne laisser sans emploi aucune lecture le conduit à abuser des citations, ce qui le pousse à discourir un peu sur toutes sortes de sujets et contribue à donner au livre un aspect touffu et embroussaillé. Joignez à l’absence de titres courants, la longueur de certains chapitres et vous comprendrez que certains lecteurs soient effrayés et déconcertés.

Au lieu de concentrer son argumentation, de la resserrer pour lui donner son maximum de rigueur et de clarté, l’auteur l’a éparpillée comme à plaisir. Il fallait en un sujet si important et si difficile laisser de côté tout ce qui pouvait être retranché sans nuire à la clarté et à la force de la démonstration. L’auteur ne l’a pas fait, il a visé à être complet plutôt qu’à être clair, à être solide plutôt qu’à être élégant. Il dirait sans doute comme M. Renouvier : « Je veux être étudié », et il se consolerait volontiers des lecteurs qu’il pourrait perdre rebutés par l’austérité de son livre.

Il serait pourtant bien dommage que ce livre ne fût pas lu, car il est plein de vues et de force philosophique. Je dirais même volontiers qu’il mérite d’être relu et médité. Depuis longtemps l’auteur avait formé le projet de l’écrire, car, dès 1880, dans une brochure publiée