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nation ne fait que nous pousser à suivre la lumière et à adhérer aux propositions qu’elle nous enseigne. On pourrait aisément trouver chez Descartes, qui accorde une grande valeur scientifique aux nécessités pratiques, des textes en faveur de cette opinion. Le primat de la raison pratique chez Kant n’est guère autre chose qu’une exagération de cette thèse. Pour notre auteur, la tendance n’est pas aveugle ; elle est le fond de l’intelligence même.

Ainsi renouvelé par l’adjonction de toutes les informations et de toutes les données scientifiques contemporaines, l’argument en faveur de l’objectivité de la connaissance tiré des tendances spontanées de notre esprit mérite l’examen et la réflexion. Je n’oserais dire qu’il soit entièrement à l’abri de la critique, mais il est singulièrement renforcé par les considérations scientifiques et les discussions critiques dont l’entoure M. van Weddingen. Très familier avec la philosophie de Kant, qu’il expose et comprend fort bien, il a su lui emprunter pour la détruire quelque chose de sa subtilité et de sa vigueur.

G. Fonsegrive.

Dr Ph. Tissié. Les rêves, physiologie et pathologie, avec une préface de M. le professeur Azam. 1 vol.  in-18 de la Bibliothèque de philosophie contemporaine, 214 p. Paris, F. Alcan, 1890.

M. Tissié a divisé son travail en trois parties. Dans la première il étudie la formation des rêves, d’abord dans le sommeil physiologique, ensuite dans le sommeil pathologique, enfin dans le sommeil hypnotique. La seconde partie est consacrée à l’influence des rêves sur l’idéation et sur les actes accomplis à l’état de sommeil et à l’état de veille. Dans la troisième, l’auteur résume longuement les deux précédentes et présente quelques conclusions.

Le livre de M. Tissié est un très intéressant recueil de faits. L’auteur est bien au courant de la question — quoiqu’on puisse lui reprocher de ne pas mentionner le livre original et suggestif de M. Delbœuf ; — il a fait de bons choix parmi les observations de ses devanciers, il y a joint des observations personnelles parmi lesquelles on remarque surtout celles qui concernent un malade singulier dont M. Tissié avait déjà raconté l’histoire. « Ce malade entend parler, à l’état de veille, d’un pays ou d’une ville à voir ; il en rêve pendant la nuit, et le lendemain, presque toujours le matin, il part pour ce pays ou pour cette ville. D’autres fois le rêve, que rien n’a provoqué, suffit à lui faire abandonner sa famille et ses intérêts. Il est alors dans un état de somnambulisme diurne, qui dure de un à huit jours, et même plus. Il a fait deux ou trois fois le tour de la France ; il a déserté deux fois. Il a visité à pied la Belgique, la Hollande, l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche, la Russie, où il faillit être pendu comme nihiliste, la Turquie et l’Algérie. »

Les conclusions que M. Tissié tire de ses observations sont que la