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comparaison ; or, pour comparer, il faut au moins deux termes : celui du mouvement et celui du repos. Le second terme n’existe pas pour le moi splanchnique, puisqu’il fonctionne sans arrêt jusqu’à la mort ; il n’a donc que la notion du mouvement par alternance d’impressions plus ou moins vives selon la fonction de l’organe. Cette alternance lui donne la conscience de son existence dans le moment même, non dans le passé. »

Il suffit de citer ces quelques passages pour montrer que les affirmations de l’auteur dépassent de beaucoup la portée réelle des observations ; plus de prudence, plus de minutie dans l’analyse, plus de rigueur dans la synthèse auraient été utiles. Le livre de M. Tissié n’en reste pas moins un recueil de faits curieux et d’observations intéressantes.

Fr. Paulhan.

R. P. Élisée-Vincent Maumus. Saint Thomas d’Aquin et la philosophie cartésienne. Paris, 2 vol. 

Le R. P. Élisée-Vincent Maumus a un beau nom de philosophe scolastique. Il appartient à l’ordre illustre des Frères prêcheurs, dont saint Thomas est la gloire la plus actuelle. Lacordaire est bien oublié. Par ce temps où les morts vont si vite, c’est plaisir de penser que si « le bœuf muet de Sicile » revenait parmi ses frères, il trouverait sa Somme ouverte sur leur pupitre et serait sollicité, après tant de commentaires, de se commenter lui-même. Le R. P. Maumus publie deux volumes sous ce titre : Saint Thomas d’Aquin et la Philosophie cartésienne : c’est tout près de 1000 pages. Ecrite d’un style clair, pour être lue sans doute, l’œuvre respire une bonne foi, une candeur dans l’assurance d’être en possession de la vérité tout entière, une modération aussi dans le triomphe, qui en font aimer l’auteur.

Nous assistons aujourd’hui à un curieux retour vers le thomisme. Le pape Léon XIII est à la tête de cette croisade philosophique. Dans l’encyclique du 4 août 1879, il a déclaré saint Thomas omnium princeps et magister ; — columna et fîimamentum veritatis, renchérit le P. Maumus. Je ne vois pas bien quel intérêt il y a à embarrasser l’Église d’une philosophie ? Pourquoi engager l’avenir ? proclamer que saint Thomas « a consacré l’alliance de la raison et de la foi » ? Qu’arriverait-il si quelqu’un des successeurs de Léon XIII se prenait de passion pour Duns Scot ou pour Descartes ? Mais ce ne sont pas là nos affaires.

Cartésianisme et thomisme, il semble que pour le P. Maumus la philosophie contemporaine tienne dans cette antithèse. La science est cartésienne, en ce sens qu’elle est mécaniste ; mais la métaphysique de Descartes appartient bien à l’histoire. Nous ne sommes plus en 1840, à l’époque où Victor Cousin, à la recherche de parrains pour ses philosophies, s’adressait tour à tour aux Écossais, aux Allemands, à Descartes enfin. Le faux Descartes de Cousin est mort. Nous ne connaissons plus