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ANALYSES. — schmidkunz. De l’abstraction.

calcul des probabilités, pensent que l’abstraction consiste essentiellement dans romission de certains caractères des objets. Abstraire d’une chose sa rougeur, c’est laisser de côté toutes les autres propriétés de la chose. La mesure de l’abstraction est conforme à son étymologie : ἀφαίρεσις abstraction. Abstraire, c’est omettre, enlever, nier. C’est pourquoi M. S. appelle la doctrine d’Aristote à ce sujet, une théorie de la négation, Negationtheorie. Bien que plus exacte que « la théorie de la généralisation » (Allgemeinheitstheorie), elle n’est cependant pas définitive.

Un caractère purement négatif ne saurait suffire à la définition d’une opération de l’esprit. Ne pas se représenter une qualité, ne peut pas être un acte de l’intelligence. Autant vaudrait dire qu’il y a une manière d’agir, qui consiste à ne pas agir. La « négation » incluse en toute abstraction doit donc être, non pas l’acte même de l’abstraction, mais le résultat d’un acte positif, d’une « position », qui est la véritable caractéristique de l’abstraction. Cet acte est le renforcement psychique (psychische Verstärkung) de ce qu’on abstrait, — avec cet effet naturel, l’affaiblissement de ce dont on abstrait.

C’est ce que montrent, et la raison qui ordinairement nous fait abstraire, et le moyen par lequel nous y parvenons. — Les éléments, ou parties, ou qualités, d’une représentation, qui sont omis par nous, ne comportaient pas nécessairement cette suppression. Nous les négligeons seulement parce qu’ils ne nous conviennent pas pour le moment. C’est donc que nous nous proposons une fin positive, pour la représentation de laquelle ne sont utiles que les autres éléments, parties ou qualités. Nous ne nions jamais que dans un but positif. C’est parce que nous nous occupons spécialement du rouge, que nous laissons de côté les autres qualités des choses rouges. Et ces qualités mêmes ne peuvent être « niées » que grâce à des actes positifs de l’esprit. C’est ce qu’on remarque, soit qu’il s’agisse de représentations, soit qu’il s’agisse d’affections, tant dans les cas anormaux que dans les cas normaux. 1o Pour nous défendre d’un objet, cause de distraction, il ne suffit pas de décider que nous allons nous y soustraire. Ce serait insister sur la perception de l’objet, et nous en rendre esclaves. Une « attention négative » est une contradiction. « C’est seulement, dit excellemment M. S., quand on réussit à donner à la conscience une tout autre direction, à l’attention un tout autre aliment, c’est seulement alors que peut-être nous pouvons arriver à cette diversion. » 2o Comment parvenons-nous il être insensibles à une émotion ? En en fortifiant une autre, fût-ce une douleur. Dans l’ardeur de la bataille, le soldat ne sent pas la blessure. Même, dans le repos du cabinet, l’imagination peut être assez forte pour nous rendre inaccessibles à des impressions ordinairement très vives, telles que la douleur d’une brûlure. (Voir à ce sujet de nombreux exemples, dans : Œlzelt-Newin : Ueber Phantasie Vorstellungen, au chapitre intitulé : Körperliche Bezilhungen, surtout p. 82-89.) 3o Enfin, dans les cas d’hypnotisme, on produit des « hallucinations négatives »