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PERCEPTIONS D’ENFANTS


Ce qu’on appelle intelligence, dans le sens étroit du mot, consiste en deux choses principales : d’abord percevoir le monde extérieur, et ensuite reprendre ces perceptions à l’état de souvenir, les remanier, les ruminer.

Nous allons essayer, dans deux études qui se suivront, de déterminer ce que la perception et l’idéation présentent de particulier chez les deux petits enfants de deux à cinq ans qui sont soumis à notre observation, et sur lesquels nous avons déjà publié de courtes notes.

Dans une note précédente, nous avons examiné spécialement la perception des longueurs et des nombres. En ce qui concerne les nombres, nous avons vu que ces enfants, qui ne savent pas compter, ne peuvent pas percevoir des nombres d’objets supérieurs à cinq ou six. Ces expériences nous font apprécier la valeur de celles qu’on a pratiquées sur certains animaux supérieurs, par exemple des singes et des ours, auxquels on est parvenu, par des artifices divers, à faire percevoir un certain nombre d’objets. Les animaux les plus intelligents ne dépassent guère ce que peuvent faire de petits enfants, et c’est aux enfants qu’il faut les comparer, car, comme eux, i ! s perçoivent les nombres, tandis que l’homme adulte, grâce à l’emploi du langage, les compte, ce qui est tout différent. Quand on compare l’animal à l’homme adulte, on commet donc une erreur. Je rappellerai également que pour les perceptions de longueur, de petits enfants peuvent faire preuve d’une grande finesse de perception. Mais on ne doit pas, à ce qu’il me semble, trop forcer la conclusion de ces expériences ; l’enfant est avant tout utilitaire ; s’il arrive à estimer exactement certaines longueurs, c’est qu’il en a besoin pour ne pas se cogner aux objets, pour ne pas s’y faire de mal, et cela est d’autant plus nécessaire qu’il marche seul depuis longtemps, quand il atteint l’âge de trois ans. Mais je ne crois pas que l’enfant soit capable de percevoir exactement toutes les distances ; je suis persuadé au contraire qu’il se trompe souvent de la façon la plus grossière sur la