cela apparaît dans une conversation où sa sœur aînée prononce continuellement le mot je :
Madeleine. — N’est-ce pas que j’étais drôle quand j’étais petite ? J’étais dans le chou.
Alice. — Maintant (maintenant), tu es grande ?
Madeleine. — Y a (il n’y a) pas longtemps.
Alice. — Zizite aussi est grande…
Madeleine. — Tu es même plus grande que moi.
D’autres fois, Alice se désigne par la suppression de tout pronom, et le verbe qui suit est alors à la troisième personne. Dans une phrase comme celle-ci : « Une fois, a vu des vaches ». ou bien : « À bien soif ! » c’est d’elle qu’elle parle, en sous-entendant probablement le nom de Zizite. Et toujours ce fait étonnant, qu’elle emploie ces tournures pour répondre à sa sœur qui parle tout à fait correctement. Encore un exemple pris entre plusieurs :
Alice. — Nénêne ! (Madeleine !) a pas entendu tu as dit tout à l’heure ?
Madeleine. — Je n’ai rien dit du tout.
Alice. — Tu as dit : les bals, ils sont dans une grande chambre.
Madeleine. — Non, je n’ai pas dit ça.
Alice. — Mais l’a entendu tout de même !
Ce n’est pas la cadette qui imite l’aînée, c’est l’aînée qui parfois se met à imiter la cadette et supprime par exemple tout pronom pour parler d’elle-même.
Un troisième mode de désignation consiste à dire le nom et à le faire suivre d’un pronom de la troisième personne ; par exemple, elle dit : « Zizite, elle parle pas. » Enfin, elle dit encore : « Moi dis bien ça, moi parle pas, etc. » Elle comprend le mien, le tien, mais elle ne se sert pas de ces mots-là.
Jamais elle n’emploie le mot je. Quand, dans des petites histoires qu’on lui a fait apprendre par cœur, elle rencontre ce pronom, elle commence par le répéter mal, puis elle le modifie et finit par l’éliminer de l’histoire. Voici comment elle récite trois vers ; au lieu de dire :
Pendant que je vous écoute,
De peur que je tombe en route,
Bon ange, donnez-moi la main ;
Elle dit :
Pendant moi y vous écoute,
De peur moi y tombe en route,
Bon ange, donnez-moi la main.
Il me semble résulter de tout ce qui précède que la manière dont l’enfant désigne sa personne n’est pas un résultat de l’éducation et