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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXX.djvu/633

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REVUE GÉNÉRALE.histoire et philosophie religieuses

Nous ne croyons pas qu’il y ait beaucoup de profit à attendre d’hypothèses de cette nature, que le défaut de documents datés avec certitude rend singulièrement fragiles. En ces matières, comme en beaucoup d’autres, il y a des points qui semblent solides et d’autres qui doivent être traités avec réserve. Ce qui nous semble solide et inattaquable au premier chef, c’est l’originalité et l’unité profonde de ce qu’on peut appeler la religion de la Bible ; il n’est pas douteux non plus que cette religion de la Bible, ou judaïsme, exprime les idées et les pratiques du culte des Israélites ou Juifs de Palestine dans les siècles qui précèdent le christianisme. Reste à savoir d’où vient cette religion, dont les livres bibliques constituent le document autorisé. Ces livres eux-mêmes remonteraient-ils, au moins d’une façon partielle, à l’époque de la captivité de Babylone ou même à des temps plus anciens, à l’époque d’un Josias, d’un Ézéchias ? C’est ce qu’il est difficile de dire. Et quant aux idées qu’ils expriment, une série de mésaventures arrivées au cours des dernières années nous a suffisamment instruit de l’inconvénient qu’il y a à statuer de grands intervalles entre les idées ou les faits et l’époque de rédaction des documents qui nous les font connaître. Donc, si l’on n’est pas en mesure d’affirmer l’antiquité des livres, il faudra montrer une grande réserve en ce qui concerne l’antiquité du système.

La religion juive venait-elle de l’étranger ? — Il est impossible de fournir à cet égard un commencement même de démonstration. Aurait-elle au moins subi les influences du dehors, l’influence babylonienne ou persane ? — On l’a soutenu en invoquant des considérations parfois frappantes ; mais les récentes recherches sont loin d’être favorables à cet ordre d’idées. Il paraît donc bien que le judaïsme a ses racines dans les anciens royaumes Israélites et que la « religion de la Bible » est la forme définitive qu’a prise le culte pratiqué par les sujets de David, de Jéroboam II, d’Ézéchias et de Josias. Sur ce culte, tel qu’il se célébrait aux temps antérieurs à la captivité de Babylone, nous possédons quelques indications précises et précieuses, mais rien qui nous permette de reconstruire l’évolution des idées religieuses.

Dans notre Précis d’histoire juive[1] nous nous sommes proposé un objet qui n’est ni celui de M. Renan, ni celui de M. Bellangé. Le premier se croit en droit de suppléera l’insuffisance des textes par l’emploi de moyens indirects, par la conjecture, par des rapprochements avec les peuples anciens ou modernes ; le second a déclaré qu’il se proposait de faire rentrer les faits dans le cadre d’une vue philosophique. Nous avons pensé, pour notre part, qu’il était utile de procéder sous les yeux mêmes du public à un dépouillement critique des sources de l’histoire juive ; nous avons cru qu’une analyse rigoureuse des documents devait précéder les essais de reconstruction et que c’était le seul moyen de donner une base solide aux études concernant l’antiquité hébraïque.

  1. Chez Hachette, in-12, 828 p.