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politique, les écoles sacerdotales et prophétiques se plongent avec une ardeur extraordinaire dans les travaux de la spéculation philosophique, du règlement du rituel et de la composition littéraire. Les grands dogmes de la foi nationale, les principaux événements du passé légendaire et historique sont abordés par les différents groupes dans un esprit parfois divers, mais avec un même et unique désir d’exalter à la fois Yahvéh (Jéhovah) et Israël. Jetez dans un même moule ces essais du ive et du iiie siècle, il en sort la Bible. On voit ce qu’est devenue sous notre plume cette époque prétendue ingrate, à laquelle on croyait faire beaucoup d’honneur en lui attribuant un simple travail de combinaison et de compilation. C’est, au contraire, pour nous un moment de fécondité extraordinaire. Israël, mis en contact avec les grandes civilisations de l’Orient et de l’Occident, se replie sur lui-même, prend conscience de sa puissante originalité et, des germes qu’il tenait du passé, fait jaillir l’arbre sous l’ombrage duquel l’Occident ira chercher son abri. »

Nous voudrions que ces deux volumes, l’un plus compact, l’autre d’allures plus vives, éveillassent chez quelques-uns de nos concitoyens le goût des études hébraïques. Ces études sont assurément difficiles, mais elles offrent un attrait solide et profond qui paye amplement le travailleur de ses peines. Nous croyons, d’ailleurs, avoir prouvé par notre propre exemple qu’on peut les aborder dans un esprit de complète indépendance sans blesser les susceptibilités religieuses.

En tête de la Contribution à l’étude profane de la Bible[1], de M. G. Sorel, se trouvent des déclarations qui témoignent d’une préoccupation très élevée, au fond desquelles nous nous associons de grand cœur et qui justifient le titre de l’ouvrage : « La vulgarisation de la Bible est aujourd’hui une question sociale… Présenter la Bible au point de vue religieux serait folie, le peuple la rejetterait. Il faut la faire entrer dans la littérature profane et l’introduire comme un ouvrage classique. — Je m’adresse à l’Université qui enseigne le peuple et à la bourgeoisie qui le gouverne. Je leur demande d’étudier la Bible : je sais que cette lecture sera fructueuse. — Je m’adresse au public lettré, non pour lui donner des leçons, mais pour exciter chez lui le désir d’aborder l’étude de la Bible. — Si nos professeurs de lycées se lancent dans la carrière, ils ne tarderont pas à reconnaître que l’Université a un grand devoir à remplir : donner à la Bible une place prédominante dans l’instruction populaire. »

Les préoccupations qui ont mis la plume à la main de M. Sorel ne nous semblent pas seulement intéressantes et généreuses : nous les croyons absolument fondées. Nous estimons avec lui que la Bible devrait avoir sa grande place dans l’instruction publique à ses différents degrés, et la Bible abordée avec une pleine indépendance litté-

  1. Chez Ghio, in-8o, vii et 339 p.