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ques, par exemple, n’ont-elles pas pour objet de dépouiller la nature de tous ses éléments poétiques pour en mettre à nu les principes accessibles à la seule raison ?

Il est vrai que l’attrait exercé sur nous par la nature n’est pas de son essence, et qu’on peut distraire des choses matérielles l’élément esthétique, sans leur faire subir de diminution. Mais en est-il de même des conceptions philosophiques ; et le côté par où elles s’adressent au cœur et à la volonté, est-il, par rapport au côté qui regarde l’intelligence, tout extérieur et adventice ? Est-il certain que cet élément esthétique et moral ne soit qu’un résultat des principes intelligibles et reste sans influence sur ces principes eux-mêmes ? Platon persuade-t-il parce qu’il raisonne, ou raisonne-t-il parce qu’il veut persuader ? S’il se trouvait que la philosophie fût, de la sorte, affaire de volonté en même temps que d’intelligence, que l’esprit humain fût un objet assimilable aux objets matériels, que sa liberté fût présente dans ses œuvres et en constituât plus ou moins le secret ressort, on n’aurait pas le droit de séparer, dans l’histoire philosophique, le produit intelligible d’avec l’agent volontaire, comme, en histoire naturelle, on isole l’œuvre morte de la spontanéité désormais figée qui lui a donné l’être, du sens esthétique de l’homme ou qui évoque artificiellement cette spontanéité, et lui prête, pour un moment, une existence idéale.

L’examen des idées de M. Zeller sur les résultats généraux et la loi de l’histoire de la philosophie pourra peut-être contribuer à éclaircir cette question.

IV

Les faits philosophiques n’ont pas reçu tous les modes d’explication dont ils sont susceptibles quand on les a rattachés, soit à des faits physiques, soit à des faits moraux, comme à leur cause efficiente. Ils ne demeurent pas, en effet, à l’état de rencontres heureuses mais passagères, résultant accidentellement du jeu de forces inférieures. Ils sont, dès le début, déterminés par l’intervention d’un principe spécial, lequel, par son action même, acquiert une réalité de plus en plus effective et distincte, une loi de plus en plus déterminée et nécessaire. L’observateur voit ainsi émerger du monde intellectuel un processus philosophique proprement dit, qui a sans doute, dans les processus psychologique et physique, son point d’appui indispensable, mais qui tend, de plus en plus nettement et sûrement, à