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III

De la durée de la douleur, et de l’influence du nombre
des excitations sur la sensation douloureuse.

Cette partie de la question étant fort abstraite, je serai forcé d’entrer dans des détails assez difficiles à comprendre et pour lesquels je demanderai l’indulgence du lecteur.

L’influence de la durée sur la douleur ne peut, je crois, être bien comprise que si on se rend compte des lois physiologiques de la sensibilité normale[1].

Si on prend des courants électriques faibles, ils ne sont pas perçus ; si on augmente graduellement leur intensité, il arrivera un moment où ils seront perçus. Ce moment sera la limite de la sensation distincte.

Cette limite, variable pour les différents individus, n’est pas la même selon qu’on va en augmentant ou en diminuant l’excitation. Il semblerait pourtant qu’elle dût être identique. Soit la ligne OM, dans laquelle est le point de départ, où l’excitation électrique est nulle,

et va en croissant jusque en M, M étant perçu très-nettement, je suppose que A soit la limite de la sensation distincte. Si on va en décroissant de M à O, la limite de la sensation sera reculée, et on percevra A′, qui sera la limite perceptible alors qu’auparavant, en allant de O à M, A′ n’était pas perçu.

Ce fait peut être comparé à ce qui se passe pour le sens de la vue. Si on suit de l’œil, un objet qui s’éloigne, un oiseau par exemple, on pourra le voir alors même qu’il sera très-éloigné. Cependant il serait impossible de le voir à cette distance, si, au lieu de s’éloigner, il se rapprochait de nous.

Quoi qu’il en soit, en tenant compte de cette particularité qui aurait pu fausser les résultats si elle eût été ignorée, on arrive, par

  1. Ces phénomènes ont été, pour la première fois, je crois, démontrés par moi. Mes expériences, faites au laboratoire de M. Marey, au collège de France, sont sommairement exposées dans une note communiquée à l’Académie des sciences (4 déc. 1876) et relatées avec plus de détail dans ma thèse inaugurale (p. 157-190).