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la matière inorganique, nous sommes forcés d’admettre que tout mouvement de matière est simultané avec quelque élément sensitif (ejective fact) qui pourrait faire partie d’une conscience.

Ainsi une sensation, un élément psychique (feeling) peut exister isolé et ne dépend pas de l’existence d’une conscience : c’est donc une chose en soi (Ding an sich), un absolu dont l’existence n’est relative à rien d’autre.

Ces éléments psychiques (eject éléments), qui correspondent aux mouvements matériels, sont liés entre eux selon des lois de simultanéité et de succession qui sont la contre-partie des lois physiques. Ils correspondent aux moindres molécules en mouvement dans la matière inorganique. Lorsque les molécules sont combinées de manière à constituer le plus simple organisme, les éléments psychiques (mindstuff) sont combinés de manière à produire les rudiments de la sensibilité. Lorsque la matière prend la forme complexe d’un cerveau humain vivant, les éléments psychiques correspondant se coordonnent en une conscience humaine douée d’intelligence et de volonté.

Supposons que je voie un homme regardant une table. L’homme et la table sont deux objets, deux groupes de perception dans mon esprit. Une image de la table se forme dans le cerveau de l’homme : cette image est un fait matériel complexe qui représente plus ou moins bien l’autre groupe matériel (la table). Or la table que je vois n’est pas une réalité extérieure, c’est une pure perception dans mon esprit. De même l’image cérébrale, simple groupe de sensations possibles, n’est que l’idée d’une perception que je pourrais avoir.

Mais il y a hors de moi une image mentale de la table dans l’esprit de cet homme : l’image cérébrale n’est qu’un phénomène de mon esprit ; l’image mentale est un fait psychique extérieur à moi, réel comme mes propres perceptions ; et elle correspond elle-même à une réalité hors d’elle, source de l’image. Cette réalité extérieure a le même rapport à l’image mentale que la table à l’image cérébrale. Or la table et l’image cérébrale sont toutes deux de la matière ; elles sont faites des mêmes éléments. Donc la réalité extérieure est faite des mêmes éléments que l’image mentale : elle est donc composée d’éléments psychiques (mindstuff). C’est le résultat d’une règle de trois : la chose en soi est, à ma perception de l’objet (groupe de sensations), ce que la configuration physique de l’objet est à la configuration physique de mon image cérébrale de l’objet.

Ainsi, tandis que pour M. Spencer l’esprit, comme la matière, n’est qu’une forme sous laquelle nous percevons et concevons la réalité que nous ne pouvons atteindre en elle-même, pour Clifford l’esprit est la réalité même. « L’univers est uniquement composé d’éléments psychiques. Une partie de ces éléments est combinée sous la forme d’esprits humains qui contiennent d’imparfaites représentations, tant des éléments psychiques hors d’eux que de ces esprits eux-mêmes, comme un miroir réfléchit sa propre image dans un autre miroir, ad