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combinaison, faire intervenir, fût-ce en très petite quantité, l’action d’un dissolvant, par exemple de l’eau. C’est qu’en effet les corps solides ne peuvent jamais se mélanger exactement ; c’est toujours un mélange imparfait, grossier, qui n’est pas comparable au mélange intime de deux liquides ou de deux gaz. Ce mélange intime est nécessaire pour que les molécules du corps A puissent s’unir, se combiner aux molécules du corps B. Car les actions moléculaires n’ont lieu qu’à des distances extrêmement petites, et par conséquent elles ne peuvent se produire lorsqu’il y a simple mélange.

Les molécules de deux corps fussent-elles même juxtaposées parfaitement, la combinaison pourrait ne pas se produire. Un certain travail préalable est le plus souvent nécessaire pour rendre la liberté aux atomes engagés dans les liens de la molécule, et c’est probablement à effectuer ce travail qu’est employée une partie de la chaleur absorbée pendant la fusion ou la dissolution.

Dans toute combinaison les corps composants ont perdu leurs propriétés primitives pour en prendre de nouvelles. Ainsi la combinaison de deux corps simples, telle que celle du chlore et de l’hydrogène, est un corps composé, l’acide chlorhydrique, dont les propriétés sont tout à fait différentes de celles du chlore et de l’hydrogène. Avant que la combinaison se fût effectuée, le chlore et l’hydrogène, quoique intimement mélangés, avaient l’un et l’autre conservé leurs propriétés spécifiques. Ils les ont perdues après la combinaison. Ainsi, le mélange de chlore et d’hydrogène décolorera la teinture de tournesol, tandis que l’acide chlorhydrique la rougira.

Non seulement deux corps simples peuvent se combiner entre eux, mais encore deux corps composés s’unissent l’un à l’autre. Ainsi l’acide chlorhydrique se combine à l’ammoniaque ; le chlorhydrate d’ammoniaque peut à son tour se combiner à d’autres sels, par exemple au bichlorure de platine, etc. — Dans ces diverses combinaisons, les atomes sont unis intimement, de telle sorte qu’il est difficile de dire si, dans le chlorhydrate d’ammoniaque par exemple, l’acide chlorhydrique existe à l’état de groupement distinct à côté du groupement ammoniaque. On avait essayé d’indiquer l’existence de l’acide et de la base réunis pour former un sel en écrivant ainsi

AzH3, HCl

la formule du chlorhydrate d’ammoniaque. En fait, qu’on écrive AzH3, HCl ou AzH4Cl, cela importe peu, quoiqu’il soit vraisemblable que dans une molécule, si complexe qu’elle soit, tous les atomes sont unis par des liens réciproques.