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LE LANGAGE INTÉRIEUR ET LA PENSÉE


Il arrive souvent que nos pensées se formulent en mots, soit que nous lisions, soit que nous écrivions, soit que nous nous récitions intérieurement de la prose ou des vers, soit que nous imaginions une conversation, soit simplement que nous réfléchissions, nous avons conscience de percevoir intérieurement certains mots et certaines phrases. Je voudrais étudier ici la nature de ce discours intérieur, d’abord au point de vue de la représentation des mots et des sons envisagée dans ses rapports avec la psychologie générale, et aussi considérée en elle-même. Cela nous conduira à examiner un procédé de substitution à divers degrés, où le mot, substitut de l’image, est remplacé à son tour par un autre substitut, et ces faits peu étudiés nous permettront d’arriver à une théorie du langage intérieur et des rapports de la pensée et de ce langage. Je tâcherai de m’appuyer constamment soit sur les documents présentés par les psychologues qui ont déjà traité la question, soit sur l’analyse de certains cas pathologiques fort instructifs, soit enfin sur quelques expériences psychologiques personnelles.

Le langage tel que nous le parlons à haute voix, est une action réflexe très complexe, ayant son point de départ dans diverses impressions sensorielles de la vue, de l’ouïe ou du tact. L’enfant apprend sa langue en répétant les mots qu’il entend dire, en lisant ceux qu’il voit écrits, c’est-à-dire encore en combinant des images visuelles avec des souvenirs auditifs. L’action d’apprendre le langage est dans tous les cas une combinaison d’images ou de sensations auditives, visuelles et motrices. Nous n’avons pas à nous occuper, pour le moment, des exceptions à cette règle, par exemple de la manière dont les sourds-muets apprennent à parler. Cela ne ferait que compliquer notre exposition sans rien changer à notre manière générale de concevoir le langage. Nous pouvons donc considérer le langage, considéré dans sa forme primitive, et abstraction