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PAULHAN. — le langage intérieur

faite de ses rapports avec la pensée, comme comprenant : 1o une impression faite sur les sens et transmise le long des nerfs qui servent à la vision et à l’audition ; 2o une phase centrale comprenant la mise en jeu de divers centres, optique, acoustique, moteur ; 3o une période d’émission comprenant la mise en activité des fibres motrices et des organes de la parole. Ce mode de langage, pour ainsi dire schématique, se retrouve dans toute sa pureté chez certains malades, ceux qui sont affectés de ce qu’on a appelé l’écholalie. Si nous acceptons cette conception du langage, je crois qu’on peut considérer la parole intérieure comme égale à la parole réelle amoindrie de la première et de la dernière période, et réduite à la phase centrale, c’est-à-dire à la mise en jeu, plus faible, des centres optiques, acoustiques et moteurs, et surtout peut-être, selon les individus et les occasions, de l’un de ces centres, avec une tendance à devenir complètement la parole réelle. Mais, avant de donner les raisons qu’on peut avoir de considérer ainsi la parole intérieure, il faut sans doute justifier notre façon de présenter la parole réelle, et surtout expliquer pourquoi nous la considérons tout d’abord à part de ses relations avec la pensée qui semblent constituer la réalité même du langage. C’est que nous n’avons pas à considérer le langage ici, au point de vue de ses relations, de sa signification, de son importance psychologique et sociale, mais seulement au point de vue de la nature des éléments psychologiques qui composent directement la parole articulée et pour rapprocher de la parole réelle la parole intérieure que nous envisageons dans cette première partie de notre travail, seulement au même point de vue des phénomènes sensibles, des images qui la constituent en partie, et sans nous préoccuper de ses rapports avec la pensée. Que le mot soit un signe, cela, pour le moment, ne nous intéresse pas, nous prenons le mot, non comme un symbole, mais comme une chose réelle, comme un ensemble de phénomènes à étudier ; nous pourrons plus tard dire quelque chose des relations de ce groupe de phénomènes avec d’autres phénomènes et d’autres groupes, et envisager le mot au point de vue de sa signification ; ici, nous nous occupons seulement de sa nature, nous ne faisons pas à proprement parler la psychologie du langage, mais celle de la représentation des mots qui nous conduira plus tard à l’autre. De même, nous occupant de la parole réelle, nous ne nous occupons pas du langage même, mais seulement de l’image des mots isolés ou coordonnés. C’est ce qui nous autorise également à regarder la parole comme une action réflexe ayant essentiellement une origine acoustique ou optique, car les mots, tels que nous les connaissons,