Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXI, 1886.djvu/9

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
5
TARDE. — problèmes de criminalité

Plus spécialement, pour chaque espèce donnée de délit, il doit s’abaisser là où elle est le plus répandue. Le jury, je dois l’avouer, prend justement le contre-pied de cette maxime : il acquitte surtout les crimes contre les personnes dans les départements et les provinces où l’on tue le plus, soit en France soit en Italie, et les crimes contre les propriétés là où les vols sont le plus fréquents. — En outre, il suit de ce qui précède que, plus l’insécurité et spécialement la criminalité augmentent dans un pays, plus il importe d’élever le niveau intellectuel des magistrats auxquels l’intérêt de la défense sociale est confié, puisque les mêmes charges contre un inculpé ne procureront pas à deux juges, l’un très intelligent, l’autre moins, le même degré de persuasion, mais bien, en général, au premier un degré supérieur et au second un degré moindre. Cette différence pourra permettre, en temps de trouble, si le juge très éclairé est, par hasard, choisi précisément alors, d’abaisser un peu moins qu’il ne l’eût fallu, avec un choix inverse, le minimum de la probabilité requise, avec grand profit pour les libertés individuelles et sans plus de danger pour la société. Mais il n’y a guère à espérer qu’il en Soit ainsi. C’est plutôt à mesure qu’une nation se tranquillise, qu’elle sent mieux l’utilité d’une magistrature intelligente ; en sorte que, de deux manières à la fois, par la perspicacité croissante des juges, et par le moindre danger attaché à l’impunité et à l’acquittement des malfaiteurs devenus plus rares, le point de condamnabilité propre aux époques tranquilles tend à se confondre avec la culpabilité absolument démontrée. Ce n’est pas le moindre avantage de l’ordre et de la paix.

II

géographie criminelle

Je commence par l’examen d’une observation ou pseudo-loi dont l’interprétation semble bien facile, mais ne l’est que superficiellement. « Quételet, dit Garofalo dans sa Criminologia, a prouvé le premier par la statistique que les crimes de sang croissent dans les climats chauds et décroissent dans les climats froids. Il a limité ses remarques à la France[1], mais la statistique des autres pays d’Europe.

  1. On verra justement plus loin que son observation ne s’applique guère à la France, la Corse exceptée.