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Que ce soit le besoin, la passion ou l’émotion qui s’expriment ainsi par les mouvements, il y a lieu de distinguer différentes phases, ici plus lentes, là plus promptes à se succéder. Ce sont celles-là mêmes que nous avons signalées à plusieurs reprises : rappelons-les ici brièvement.

Dans toute fonction qui, cherchant à se développer, doit donner lieu à du plaisir ou à de la douleur, il faut, disions-nous, noter : la préparation à l’acte ; — l’acte lui-même se développant ; — le résultat de l’acte, qui fait sentir à l’individu sa propre existence avec plus de plénitude ou de liberté, dans les organes qui viennent d’achever leurs fonctions ; — enfin le rayonnement général de cet état de plénitude ou de liberté dans les parties les plus reculées de l’économie. C’est ainsi que partout, dans le plaisir et la douleur proprement dits, dans le besoin, dans l’émotion, nous avons distingué : la préparation ou le début par l’entrée en scène de quelque organe particulier ; — le concours sympathique des autres fonctions et de leurs organes ; — puis le rôle des centres nerveux qui assurent la rapidité plus ou moins grande de ce rayonnement universel.

On voit aisément par là que ce qui fait les nuances innombrables du plaisir et de la douleur dans notre espèce fait aussi la variété inépuisable des mouvements qui les expriment. Si notre système nerveux n’avait d’autre fin que d’assurer strictement l’exécution de chacune de nos fonctions essentielles, toutes nos sensations seraient bien plus simples et les mouvements expressifs le seraient également. Chacun de nos besoins nous ferait toujours jouir ou souffrir exactement en proportion de son importance physiologique, du degré de force mesurable que nous aurions mis à son service et de la dose à laquelle nous seraient accordées les satisfactions nécessaires. On ne verrait pas des individus jouir ou souffrir alternativement pour une vétille, et les uns manifester les plus vives émotions pour des faits qui en laissent tant d’autres à peu près indifférents. Mais le système nerveux ne se borne pas à assurer l’intégrité de chacune de nos fonctions organiques, ni même à garantir la solidarité harmonieuse de leur ensemble. Le développement qu’il reçoit dépasse de plus en plus ce qui suffirait pour cette partie de son rôle. De plus en plus, il s’habitue à reproduire et à combiner mille représentations qui, à la sensibilité fruste, superposent ou plutôt mêlent une sensibilité imaginaire. C’est par ces représentations qu’il devient accessible à des influences de toute nature, à l’imitation, à la sympathie, à l’illusion, et surtout à ces influences immatérielles de la vérité et de la beauté, telles que les voit l’intelligence, de la volonté une fois formée et affermie, de l’amour, de la croyance et de l’idée. C’est aussi par ces repré-