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JOLY.la sensibilité et le mouvement

sentations qu’il renforce, puis renvoie et distribue dans toute la personne les résultats accumulés de ces influences. Ainsi varie indéfiniment la force ou la faiblesse avec laquelle notre sensibilité répond aux excitations du dehors : ainsi varient les mouvements expressifs que ce rayonnement va mettre en jeu ici ou là, dans les parties profondes ou dans les parties superficielles, allant par les voies les plus ouvertes, réveillant, érigeant, troublant ou frappant d’immobilité et de stupeur les organes les plus accessibles et les mieux préparés à répondre de telle ou de telle manière à cette action.

Comment ces mouvements expressifs réagissent-ils ensuite sur nos états de sensibilité ? Tel est le point qui nous reste à élucider pour achever le cercle d’études que nous nous sommes tracé ici.

Décomposons encore le phénomène et distinguons-en les phases principales. Prenons, par exemple, le besoin senti, puis le besoin satisfait, ou bien la fonction dans son exercice et dans son cours, puis la fonction arrivée à son terme. On peut poser que l’expression involontaire de la première phase du phénomène modifie la nature de la seconde, en faisant arriver plus aisément le phénomène total dans la conscience.

Le mouvement expressif est en effet si mêlé à la fonction, qu’il ne peut faire autrement que de l’aider et de l’encourager. La tension en avant des organes des sens, la direction imprimée à la vue, la fixité prolongée du regard sont autant de mouvements qui expriment l’attention ; mais ils ne l’expriment que parce qu’ils en font partie. Qui marque ainsi son attention la redouble. C’est une observation souvent renouvelée que les expressions motrices des émotions sont l’ébauche des mouvements qui s’achèveraient si les émotions réussissaient à obtenir complètement l’acte capable de les satisfaire. Or, commencer seulement à se procurer une satisfaction quelconque, c’est s’entraîner soi-même. Quand nous avons distingué les circonstances où le plaisir accélère et celles où il apaise le mouvement, nous avons posé la loi générale dont cette action des mouvements expressifs n’est qu’un cas particulier. Les gestes de l’avare, les mouvements convulsifs de l’homme qui veut se venger et qui, parlant de son ennemi, s’écrie : Si je le tenais ! les attitudes de la personne pieuse en prière, les mouvements onduleux et caressants de l’ami qui sollicite des preuves analogues de tendresse, sont comme autant de préparations de l’acte voulu ou imaginé. Les sentiments qui se manifestent ainsi ne peuvent qu’en être avivés.

Dans les exemples que nous venons d’invoquer, l’émotion était déjà forte, et l’individu en avait une conscience parfaitement claire. En beaucoup d’autres circonstances, des mouvements expressifs