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ANALYSES.a. berra. Los premios y el veredicto escolar. .

Mme Mary Godwin voyait dans cette pratique un moyen de graver profondément dans les cœurs les principes de la justice[1].

On peut prévoir quelques objections sérieuses à l’établissement de l’électorat écolier. Est-il utile que l’école ait une sanction publique ? L’enfant peut-il, en aucun cas, voir son jugement mis sur le pied d’égalité avec celui des adultes ? Peut-il tenir compte des principaux facteurs d’un produit moral ? M. Berra nous répond au nom de l’expérience : « Que les enfants soient capables d’agir avec conscience et liberté, c’est prouvé par les coïncidences qui se sont montrées entre leurs jugements et ceux des maîtres et des examinateurs. » Le fait a besoin d’être confirmé par de nouvelles expériences. J’en pourrais, quant à moi, citer deux en faveur de l’opinion de M. Berra. On avait institué, dans un pensionnat de garçons, un prix de sagesse décerné à la majorité des suffrages tout alla d’abord fort bien ; mais bientôt la brigue, la séduction, l’intimidation, la vénalité, en un mot, la corruption électorale s’établit là comme ailleurs. On arrêta là l’expérience, et l’on eut tort. Ce qui le prouve, c’est le fait quelque peu différent qui s’est passé dans une pension de demoiselles. Elles avaient à désigner les deux plus sages pour porter le produit d’une collecte à un haut personnage : deux modèles de perfection furent élus. On découvrit cependant qu’une petite vaniteuse avait essayé d’entamer l’intégrité du suffrage universel elle avait écrit en cachette à quelques-unes de ses compagnes leur promettant des cadeaux en échange de leurs voix. Nous savons tous que le suffrage universel est susceptible d’éducation. Rangeons-nous par provision à l’opinion de M. Berra, tout en maintenant nos modestes réserves.

Cet estimable pédagogue nous affirme qu’il y a tout avantage à accoutumer l’enfant à manifester publiquement son opinion, à agir avec indépendance, à attribuer un caractère de haute moralité au plus sérieux office du citoyen moderne. Sur tout cela je pense comme lui. Mais il me reste toujours quelque méfiance à l’endroit des distinctions honorifiques dans l’école. Les prix supprimés, je serais désolé de les voir revenir sous une autre forme.

Bernard Perez.

  1. Mlle de La Force, Revue polit. et litt., nº 9, 1885.