SOCIÉTÉ DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE
UNE OBSERVATION DE SOMNAMBULISME
L’observation dont je présente ici la relation succincte est intéressante à divers points de vue. Dans la première partie de mon étude, je décrirai d’une manière générale les phénomènes observés sur cette personne ; dans la seconde partie, je donnerai le récit de quelques expériences qui, si elles ne démontrent pas en toute rigueur la suggestion mentale, au moins indiquent la méthode à suivre pour la constater ou la repousser.
I. Il s’agit d’une femme de vingt-cinq ans, qui n’avait jamais assisté à aucune expérience de somnambulisme. Jusqu’à l’âge de douze ans, elle avait habité la campagne (Creuse). Elle a été ensuite en service à Limoges, jusqu’à vingt ans ; puis elle est venue à Paris. La seule somnambule qu’elle ait vue, c’est dans un cirque de foire, où l’on faisait, sur une acrobate endormie, des expériences de catalepsie, de contracture, en plaçant la femme endormie sur une chaise de manière à lui faire supporter des poids considérables. Elle ne connaissait que cela en fait de somnambulisme, et encore, avait-elle mal vu cette scène d’acrobatie. Elle est entrée en service chez moi, en janvier 1885, ma première expérience date du 14 février 1886 et pendant cette année (1885) je n’avais jamais songé à faire sur elle d’expériences. Sa bonne foi et sa sincérité pendant cette période d’une année m’ont paru incontestables. Elle n’a jamais eu aucun phénomène d’hystérie ; elle est bien portante, grande, très brune, les cheveux très noirs, les yeux très noirs aussi, de sorte que c’est à peine si l’on peut distinguer sa pupille, qui tranche peu sur l’iris. Elle est vive, gaie et impressionnable ; son instruction est des plus élémentaires, car elle ne lit pas facilement et sait à peine écrire ; mais elle est adroite et intelligente.
Le premier fait sur lequel j’appellerai spécialement l’attention, c’est l’aptitude croissante au sommeil à mesure que les expériences se succèdent.
Première expérience. Dimanche 14 février. — Passes pendant, 15 minutes et serrement des pouces ; nul effet. Je n’aurais pas recommencé si, le lendemain, à la même heure, elle ne s’était senti une céphalée assez forte, ce qui m’a engagé à tenter une deuxième expérience.
