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REVUE GÉNÉRALE.penjon. Psychologie d’Aristote

théorie psychologique. Mais le psychologue doit, en même temps, dépasser le fait immédiat, se rappeler que le tout précède la partie, la substance les accidents, et une science de l’âme digne de ce nom ne manquera pas plus de rechercher en quoi consiste l’être auquel les attributs appartiennent, que d’expliquer ces attributs dont nous devons la connaissance à l’observation.

On voit, par cette analyse des premières pages du Περὶ ψυχῆς, comment le sujet que se propose Aristote se précise peu à peu et se détermine devant lui. On peut aussi indiquer dès maintenant quelle méthode il va, sans l’avoir d’avance reconnue, appliquer à ses recherches : ce sera surtout la méthode inductive. Ici, comme en morale, ce sont les faits qui lui serviront de point de départ. La revue, à laquelle il ne manquait jamais, des opinions de ses devanciers, l’amène à éclairci r encore mieux ses propres idées, à reconnaître mieux encore que la psychologie ne peut pas être une théorie purement abstraite, qu’elle ne doit pas être bornée à l’étude des faits psychiques dans l’homme, qu’il y faut tenir compte des conditions physiologiques et affirmer avant tout l’unité des facultés mentales. La fameuse définition de l’âme qu’il donne au début du second livre de son Traité, résume, en grande partie, ces différentes propositions.

II

Pour bien comprendre cette définition, il est nécessaire, comme nous allons le voir, d’être au courant de la terminologie d’Aristote dans sa Métaphysique. Nous pouvons dire déjà qu’il regarde l’âme et le corps comme les deux termes d’une antithèse dans laquelle ces termes n’existent véritablement qu’en combinaison l’un avec l’autre. Il part de ce fait qu’il existe des êtres naturels vivants. Les êtres naturels s’opposent aux choses artificielles, aux produits de l’industrie humaine. Parmi ces êtres naturels, les uns ont la vie, les autres en sont privés. La vie elle-même se définit par la nutrition, l’accroissement ou le dépérissement, sous l’influence d’un principe interne. Nous trouvons donc dans les êtres naturels vivants une réalité concrète, qui nous présente comme deux faces ou deux aspects : l’âme et le corps. Le corps lui-même n’est pas l’âme ; l’âme serait plutôt un attribut du corps ; elle est la forme dont le corps est la matière. L’âme est donc, au point de vue d’Aristote, plus ou moins dépendante du corps ; mais, d’un autre côté, c’est seulement dans l’âme que le corps atteint sa véritable réalité. Le corps n’est donc pas tant le fondement physique de l’âme que l’âme n’est la cause ou la raison du corps. Les phénomènes physiologiques du corps trouvent, en fait, leur vérité dans l’âme. Dans le langage d’Aristote, l’âme est la réalité substantielle ou l’essence (οὐσία) du corps.