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DUNAN.le concept de cause

niait toute dépendance des phénomènes entre eux, et celle que nous défendons, il n’y a pas de milieu. Si l’on admet un rapport de dépendance du conséquent à l’antécédent, il faut en faire remonter le principe jusqu’à l’origine idéale des choses, c’est-à-dire à l’infini ; mais vouloir limiter la dépendance de chaque phénomène à son antécédent immédiat, c’est prendre une position intenable.

De plus, quand même on nierait qu’un phénomène, par cela seul qu’il dépend de son antécédent immédiat, dépende également de tous les antécédents de celui-ci, il resterait toujours que lui-même dépend de son propre conséquent ; car enfin, si relation et dépendance sont, comme il est évident, deux termes d’extension rigoureusement égale et pouvant être pris l’un pour l’autre, comme toute relation est nécessairement réciproque, il faut bien reconnaître que toute dépendance l’est également. Donc, c’est une vérité incontestable, en dépit des protestations irraisonnées du sens commun, que toute dépendance d’un conséquent B à l’égard de son antécédent A est en même temps une dépendance de l’antécédent A à l’égard du conséquent B : ce qui ruine manifestement la théorie de l’antécédent inconditionnel. On objectera qu’il est impossible qu’un phénomène actuel dépende de son conséquent qui n’est pas encore ; mais parler ainsi c’est faire du moment présent quelque chose d’absolu, ce qui est absurde, si l’on reconnaît, comme il le faut bien, que le temps en général est purement relatif. Notre observation subsiste donc tout entière.

Si maintenant l’on veut bien prendre garde que tous les phénomènes sensibles occupent une situation dans l’espace, de la même manière qu’ils arrivent dans le temps à une certaine époque, et que l’espace, pas plus que le temps, n’est une chose en soi qui puisse constituer à chaque phénomène sa situation propre, on reconnaîtra que tous les raisonnements que nous venons de tenir par rapport au temps pourraient être repris mot pour mot par rapport à l’espace. Il suit de là qu’à l’ensemble des relations dans le temps auxquelles est soumis chaque phénomène, nous devrons ajouter un ensemble de relations analogues dans l’espace, et la formule définitive de la causalité à laquelle nous devrons nous arrêter sera celle-ci : Tout phénomène dépend à la fois de la totalité de ses antécédents dans le temps et de ses coexistants dans l’espace : σύμπνοια πάντα.

VI

Nous devons pourtant reconnaître que cette conception de la causalité et aussi l’identification du temps et de l’espace avec les