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et à métamorphoser les faits réels dans le sens de nos idées. Pour cette raison associée à beaucoup d’autres, le magnétisme fut méprisé et oublié. Dans cette renaissance des études somnambuliques à laquelle nous assistons depuis quelques années, ce fut la seconde théorie qui réapparut la première. La doctrine subjective de Bertrand, du Dr Ordinaire, de Braid, ressuscita sous le nom de doctrine de la suggestion et elle semblait avoir écrasé sa rivale dont on pouvait à peine reconnaître les traits dans la théorie des actions physiques étudiées à la Salpêtrière. Cependant l’étude du magnétisme ancien n’était pas complète, tant que l’on n’avait pas réuni et discuté les faits qui avaient fait naître la théorie du fluide magnétique. Le livre de M. Baréty signale cette lacune, avec un certain courage qu’il faut savoir reconnaître et apprécier, il supprime les voiles, les noms nouveaux sous lesquels se masquait l’étude du magnétisme et il appelle une discussion sérieuse sur le fluide nerveux rayonnant et circulant, sur les théories de Deleuze et de Charpignon ; il renouvelle la première hypothèse, comme les hypnotiseurs avaient renouvelé la seconde. Le débat qui recommence pourra-t-il avoir maintenant une solution définitive ?

Le livre de M. Baréty commence, lui aussi, par une théorie sur le fluide nerveux : c’est une des formes, dit-il, sous lesquelles se manifeste le travail de l’organisme humain… nous sommes portés à croire que cette force neurique a son siège dans le système nerveux, une partie s’en échappe pour rayonner au dehors dans l’espace, une autre partie circule dans le corps humain le long des fibres nerveuses. La force neurique est dans le corps sous deux formes, à l’état statique et à l’état dynamique, comprenant une circulation intérieure le long des fibres nerveuses et un rayonnement ou expansion au dehors… » (P. 6.) Cette force neurique émane du corps par trois points principaux : 1o les yeux ou les nerfs optiques ; 2o l’extrémité libre des doigts (nerfs collatéraux, dorsaux, ou palmaires) ; 3o par la bouche, par le souffle… Ces rayons neuriques sont en ligne droite en travers de l’espace, traversant facilement certains obstacles et sont arrêtés par d’autres, car il y a des corps et même des couleurs dianeuriques ou aneuriques. Ces rayons sont réfléchis par des miroirs et réfractés par des lentilles, suivant des lois analogues à celles de la lumière ; enfin ils peuvent être produits et utilisés de trois manières, par des radiations fixes quand on dirige seulement l’extrémité des doigts vers le sujet, par des passes quand on promène les mains devant lui, par l’opposition d’une région du corps devant le sujet.

Les effets des rayons neuriques obtenus par ces différents procédés varient encore suivant les régions du corps humain vers lesquelles ils sont dirigés. « Le corps du sujet semble à ce point de vue divisé en deux grandes sections, celle de la partie antérieure et celle de la partie postérieure, séparées par une ligne fictive que nous appellerons cranio-podale… » « Il faut encore distinguer les régions où les nerfs se distribuent de bas en haut et celles où ils se distribuent de haut en bas, plus ou moins verticalement ou plus ou moins obliquement. »