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une chose, mais ce que nous savons d’une chose » (p. 82). — Quant aux questions d’origine, il se déclare évolutionniste, mais sans admettre pourtant que tout puisse devenir tout ; il existe de grandes lignes distinctes de développement. Appliquant ce principe à son sujet spécial, il essaye de prouver que le langage constitue un attribut propre de l’homme, conséquemment que l’homme ne peut descendre d’un autre animal. Cette démonstration se trouve spécialement développée au ch.  IV. Le reste du ch.  II est particulièrement consacré à la critique des thèses évolutionnistes sur les genres, les espèces, l’organique et l’inorganique, etc.

Le ch.  III, intitulé la Philosophie de Kant, contient une critique intéressante des objections de Spencer à la théorie kantienne de l’espace et du temps. Quant à sa position à lui-même vis-à-vis de Kant, M. M. la caractérise à la fin du ch. II ; il s’est proposé, dit-il, de le compléter en montrant ce qu’il n’avait jamais montré, « savoir que non seulement les percepts sont impossibles sans une interprétation conceptuelle, mais que les concepts également sont impossibles sans les noms » (p. 125).

Dans le ch.  IV : le Langage, barrière entre l’homme et l’animal, M. M., ainsi qu’il a été annoncé, essaye de montrer comment le langage constitue une séparation radicale entre l’homme et l’animal. Il remarque que si, comme le dit Darwin, l’homme et le singe naissent sans langage, cependant il y a cette différence entre l’un et l’autre que l’homme apprend à parler et que le singe n’apprend pas ; bref, dans tout le règne animal, l’homme seul arrive à parler. Toutefois il faut distinguer le côté matériel et le côté psychique du langage par le côté matériel, phonétique, l’homme peut être rapproché autant qu’on voudra de l’animal ; mais, par le côté psychique, l’homme seul a la faculté de former des concepts, à plus forte raison seul celle de parler un langage rationnel, traduisant ces concepts.

Le ch.  V traite des Éléments constitutifs du langage. Ces éléments sont les racines. M. M. est d’avis que les linguistes, du point de vue où ils se placent, ont raison de ne pas vouloir aller au delà des racines que l’analyse des langues leur fournit. Ils ont même raison de distinguer là où, la forme extérieure étant identique, comme dans , donner, et da, couper, la fonction, la signification sont différentes. — Quant à la nature particulière des racines, elles ne sont « ni des interjections ni des imitations de sons naturels. Des interjections comme bah et des imitations comme ouau-ouau (wow-wow) sont tout l’opposé des racines. Et pourquoi ? Parce que les racines sont définies quant au son, mais générales quant à la signification ; tandis que les interjections et les imitations sont générales, c’est-à-dire vagues et variables quant au son, mais définies ou particulières quant à la signification (p. 18). Cette assertion, que les interjections et imitations sont vagues et variables quant au son, va, sans que M. M. le remarque, directement contre ce fait qu’elles constituent au contraire une sorte de lan-