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ANALYSES.max müller. Science de la pensée.

Le ch.  VII, les Racines du sanscrit, est un essai de démonstration positive de cette assertion que les racines à l’origine doivent exprimer des actes usuels. Ce chapitre est plutôt philologique que philosophique et serait en outre, croyons-nous, fort contesté des linguistes actuels. On se préoccupe aujourd’hui beaucoup plus, et avec raison, de découvrir les lois qui se manifestent dans les langues existantes que de reconstruire des racines, hypothétiques déjà comme forme, à bien plus forte raison comme sens. M. M. reconnaît lui-même en maints endroits le vague et le danger de telles spéculations. — C’est dans ce chapitre qu’il dresse un tableau des 121 concepts primitifs de la race indo-européenne. Parmi ces concepts apparaissent : mesurer, choisir, demander, parler, désirer, haïr, penser, être ! Combien y a-t-il cependant aujourd’hui encore de gens qui ne savent guère ce que veulent dire ces mots : être, penser, désirer, parler, choisir, etc. Et puis, pense-t-on, désire-t-on, est-on, par des actes sociaux ? Bref, il serait intéressant de voir M. M. concilier ces idées primitives avec sa théorie plus haut exposée de l’origine des racines et des concepts.

« Il n’y a pas une phrase en anglais dont tous les mots ne puissent être ramenés aux 800 racines et toutes les pensées aux 121 concepts fondamentaux qui restent après une analyse attentive des matériaux que nous fournit Pânini. Tout ce que nous admirons, tout ce dont nous nous enorgueillissons, toutes nos pensées, poétiques, philosophiques ou religieuses, toute notre littérature, toute notre vie intellectuelle est construite d’environ 121 briques ! » (p. 418). Soit, mais pas de ces 121 briques primitives ; nos concepts peuvent ressembler à ceux de nos ancêtres indo-européens, mais ils n’en sont pas moins les nôtres, et nous ne les leur avons pas empruntés : au contraire, ce n’est qu’après avoir acquis nous-mêmes, comme nous l’avons pu, nos concepts sans les emprunter de personne, que nous devenons aptes à concevoir ceux des autres, et en particulier ces concepts primitifs des Indo-Européens. D’ailleurs, on ne saurait trop protester contre cette façon matérialiste de s’exprimer que l’on observe dans les passages plus haut cités, et dont auteur et lecteur risquent toujours d’être dupes, en raison des tendances naturelles que nous avons tous à nous représenter l’activité mentale et la série de nos images et idées sous une forme matérielle.

Le ch.  VIII traite de la formation des diverses catégories de mots, le ch.  IX des propositions et syllogismes. — L’impératif est la forme la plus simple, le premier mot ; vient ensuite le vocatif, « sorte d’impératif nominal. » Tout cela cependant n’est que le prélude du langage, lequel ne commence qu’avec la phrase, qu’avec la prédication ou catégorie. M. M. s’en tient ici pour sa part essentiellement aux catégories d’Aristote. La première, la catégorie de substance, donne naissance au substantif ; quand un adjectif semble employé substantivement, en réalité le substantif se trouve sous-entendu ; par exemple, sapientes dicunt est pour sapientes homines dicunt. Suit une interprétation des autres catégories (p. 428 et suiv.). Ces