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catégories se retrouvent dans toutes les langues, quand même elles ne Les seraient pas exprimées dans des formes grammaticales définies adjectifs furent primitivement des substantifs ; les verbes à leur tour appartiennent à la même classe que les adjectifs. « Il y a peu ou point de différence entre nix est alba et nix albet (p. 528). Quant aux racines en général, leur sens primitif fut abstrait. Le mot goose (oie), par exemple, vient d’une racine qui avait le sens général et abstrait de bayer ou siffler.

Les propositions « qui consistent en combinaisons de noms » ne concernent, comme les noms, que nos concepts des choses, non les choses mêmes. « Lorsqu’on croyait qu’il n’existe que 7 planètes, la proposition il y a 7 planètes était correcte. Lorsqu’on trouva que le nombre des planètes est plus grand que 7, la proposition il y a plus de 7 planètes fut également correcte » (p. 529). Le syllogisme est défini d’une façon analogue (p. 545).

Le ch.  X contient une longue conclusion. M. M. y affirme ce qu’il a déjà maintes fois affirmé dans le corps de l’ouvrage, que la philosophie doit travailler sur le langage, comme l’histoire travaille sur les événements. Son nominalisme continue de s’y donner carrière. M. M. déclare ne point pouvoir trouver la pensée dans le cerveau ; mais en revanche il l’aperçoit dans les mots (p. 574). La question du darwinisme se ramène à l’étude historique des divers sens du mot espèce (p. 577 et suiv.). « Le progrès de la vraie philosophie dépend ici, comme partout, d’une exacte définition de nos mots. Ils ont besoin d’être constamment définis, épurés, corrigés et même changés, jusqu’à ce qu’enfin le plus parfait langage deviendra la plus parfaite philosophie. » Maintenant la meilleure et peut-être la seule suffisante définition d’un mot, c’est son histoire » (p. 581). « La philosophie tout entière peut être appelée un combat entre les nouvelles et les vieilles définitions des mots » (p. 581). Donc le remède général contre les erreurs et la mauvaise philosophie consiste à définir les mots.

Ce court résumé ne saurait donner une idée de la richesse de contenu du livre de M. M. Nous n’avons cherché qu’à mettre en relief les tendances générales de l’ouvrage. On y trouve incidemment discutées à peu près toutes les questions philosophiques de quelque importance, sans pourtant que l’auteur apporte à ces questions des solutions vraiment nouvelles. Sa méthode est, de plus, essentiellement logique et abstraite. Peu de faits, beaucoup de raisonnements et de termes insuffisamment définis.

Nous renvoyons, pour la critique, au premier volume de la Sociologie de H. Spencer. On trouvera là, contre le nominalisme mythologique de M. M., une série d’objections qui, légèrement modifiées, porteraient également contre le nominalisme psychologique du présent ouvrage. Nous nous contenterons de faire pour notre compte les deux remarques suivantes : D’abord, abstraction faite de ce qu’il emprunte à Noiré, M. M. a trop envisagé la question de l’origine du langage comme une