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qu’il élimine de propos délibéré tout ce qui concerne les troubles et formes anormales de la conscience. Les phénomènes de folie, délire, hypnotisme, somnambulisme, extase, lecture de pensée, spiritisme et même de sommeil et de rêve seront absolument exclus » (p. 9). Il est certain qu’un traité de psychologie normale n’est pas tenu de traiter ces questions qu’il ne pourrait qu’effleurer ; mais l’auteur ne nous paraît pas avoir tiré des faits morbides tout le parti qu’il convenait. Est-il sûr d’ailleurs qu’en retranchant de son sujet la question du sommeil et des rêves, il ne pousse pas la proscription beaucoup trop loin ?

Nous dirons peu de chose de la troisième partie intitulée : « la Nature de l’esprit. » Elle comprend quatre chapitres : les Facultés de l’esprit et son unité ; le Développement de l’esprit ; Connexion réelle entre le corps et l’esprit ; l’Esprit comme chose réelle. Il nous est impossible d’admettre que la plupart des questions traitées dans cette dernière partie relèvent de la psychologie physiologique, — bien moins, certes, que beaucoup d’autres que l’auteur a éliminées. En réalité, ce qu’il nous donne sous ce titre, c’est une introduction à la métaphysique.

D’après ce court résumé, le lecteur peut avoir une idée suffisante de la composition générale et de l’esprit de ce livre : mais l’analyse ne peut faire connaître l’abondance des informations, le nombre des documents, mémoires, monographies que M. Ladd a utilisés. Pour ceux qui suivent le mouvement de la psychologie contemporaine dans les divers pays, il est inutile de dire que ce n’est pas là une petite tâche.

Th. Ribot.

Paul Lanzky.Abendröte. Psychologische Betrachtungen. (Rouge du soir. Considérations psychologiques). Berlin, C. Duncker, 1887, 131 p.. in-8o. Un joli volume contenant cinq cents pensées, parfois discutables ou un peu énigmatiques, mais souvent suggestives ou piquantes, distribuées sous ces douze titres : Dans l’âme du sage ; — Dans le domaine de la connaissance ; — Aux limites de la coutume ; — Passion et absence de passion ; Liberté et servitude ; Contre le pessimisme ; — Religion et art ; — L’ami ; — La femme et l’amour ; — L’homme en dehors ; — La solitude ; — Paix profonde.

Je citerai celle-ci (351) : « Pourrais-tu me plaire ? » pense l’homme qui regarde curieusement une femme ; mais le regard de la femme lui demande en rencontrant le sien : « Puis-je te plaire ? » Combien de siècles passeront encore après l’émancipation reconnue du sexe faible, avant que la femme se déshabitue de ce regard passif, qui est depuis des milliers d’années son héritage ! »

Les pensées de M. Lanzky répondent bien à celle de Montaigne qu’il a prise pour épigraphe : « La plus grande chose du monde, c’est de sçavoir estre à soy. » Excellente formule, à moins qu’elle ne serve l’égoisme ou la misanthropie.

Lucien Arréat.