Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXV, 1888.djvu/125

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
115
E. BEAUSSIRE.questions de droit des gens

II

Les conditions de l’existence de fait sont seules nécessaires pour les relations de droit entre les États ; mais ces conditions ne sont pas partout uniformément et complètement réalisées.

Elles sont modifiées d’une façon plus ou moins grave par une guerre civile. Tant que la guerre civile n’empêche pas entièrement le gouvernement établi de fonctionner sur tous les points du territoire, il existe seul pour les autres États ; mais quand son autorité a cessé d’être reconnue dans une région déterminée, quand elle a été remplacée par d’autres pouvoirs, les gouvernements étrangers ne peuvent refuser d’entrer en relations avec ces derniers pour la protection de leurs intérêts ou des intérêts de leurs nationaux. Ils devront sans doute tenir compte du caractère précaire de ces pouvoirs révolutionnaires ; ils ne pourraient sans péril prendre avec eux des engagements durables ; enfin, en dehors des risques particuliers auxquels ils s’exposeraient, ils violeraient le droit s’ils prenaient des engagements dont l’effet serait une intervention ouverte ou déguisée dans la guerre civile.

La guerre civile suspend en partie l’existence de fait d’un État ; mais elle ne change rien aux conditions de son indépendance à l’égard des autres États. Elle doit donc se terminer dans l’État lui-même, par les seules forces des partis en lutte. Quel que soit le vainqueur, s’il devait sa victoire à l’appui d’un État étranger, il se placerait par la force des choses sous sa dépendance ; il cesserait de représenter la souveraineté de la nation qu’il prétendrait gouverner.

Dans la guerre civile, comme dans tout état de guerre, il n’y a pas seulement en présence des forces collectives, représentées par des pouvoirs plus ou moins réguliers, il y a des individus, avec toutes les passions et toutes les fureurs qui, dans l’homme, rappellent la brute. Les étrangers, témoins d’actes sauvages, ne peuvent oublier, par respect du droit des gens, les droits de l’humanité. Ils peuvent donc très légitimement s’opposer à de tels actes ou s’efforcer d’en atténuer les effets, sans remplir la formalité d’une entente préalable avec les autorités qui se montrent impuissantes à les empêcher ou à les réprimer, quand elles n’en sont pas les complices. Ce devoir peut être rempli, à titre individuel, par tout étranger ; il peut l’être également par les représentants officiels ou les agents d’un gouvernement étranger. Ce n’est pas là une intervention politique et il faut avec soin en éviter l’apparence ; c’est un de ces cas où se montre le