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plus clairement le droit que tous les membres de l’humanité, à quelque nation qu’ils appartiennent, ont, dans un danger pressant, à l’assistance les uns des autres.

Quand la guerre civile est terminée ou quand elle se réduit à des tentatives isolées de résistance qui ne dépassent pas les proportions de simples désordres, l’état de choses qu’elle a créé doit être reconnu et accepté par les étrangers comme par les nationaux. La raison est la même. C’est celle que nous avons exposée d’après Kant. Nul ne doit prolonger indéfiniment un état d’anarchie qui laisse sans sécurité tous les intérêts et tous les droits. On peut déplorer, au dehors comme au dedans, le maintien d’un gouvernement odieux ou le triomphe d’une révolution ; on peut regretter que la guerre civile ait brisé l’unité d’un État ou resserré une unité factice, qui ne repose que sur la force ; les protestations des consciences contre les faits accomplis gardent toute leur légitimité, mais il vient un moment où, dans l’État même que la guerre civile a déchiré, elles n’ont plus le droit de se traduire en actes et, pour les autres États, le principe de non-intervention ne leur a, à aucun moment, laissé ce droit.

III

Les conditions normales de l’existence d’un État sont modifiées d’une façon permanente par les liens de dépendance qui le rattachent à un autre État. Ces liens sont de diverses sortes : la fédération, la vassalité, le protectorat. Dans chacune de ces trois situations, l’État qui les a acceptées ou subies, ne garde plus la plénitude de la souveraineté et, par conséquent, de la responsabilité à l’égard des autres États. Ceux-ci doivent donc, dans leurs rapports avec lui, s’enquérir avec soin du degré de sa dépendance à l’égard de la confédération dont il fait partie ou de l’État supérieur dont il est le vassal ou le protégé. Ils n’ont aucune raison, d’ailleurs, de lui prêter une responsabilité qu’il décline, à moins qu’elle ne soit déclinée également par l’État souverain devant lequel sa propre souveraineté prétend s’effacer. Le plus prudent comme le plus juste, dans les relations internationales, est de traiter chaque État d’après sa nature propre et les caractères qu’il s’attribue à lui-même.

IV

Les règles sont-elles les mêmes pour un État barbare ou sauvage que pour un État civilisé ? Il est souvent impossible, dans les pays étrangers à notre civilisation et à nos principes de droit des gens,