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E. BEAUSSIRE.questions de droit des gens

contre l’oppression de l’État dont elle fait partie. Si digne d’intérêt que soit ici la révolte, l’intervention qui lui vient en aide ne serait pas plus légitime que dans toute autre guerre civile. Elle est condamnée par les mêmes principes ; elle aboutit aux mêmes périls. Elle établit entre la nation protectrice et la nation protégée un lien de dépendance qui, s’il prétend se maintenir, aboutira inévitablement à des exigences excessives de la part de la première et à des actes d’ingratitude de la part de la seconde et, s’il se relâche, risque de rendre vaine toute l’œuvre accomplie. Il en est du soulèvement d’une nation comme de celui d’un parti. Sa devise doit être celle que les Italiens avaient d’abord adoptée et à laquelle ils n’ont pas su se tenir : fara da se. Là est à la fois sa justification pendant la lutte, son honneur et la meilleure garantie de son indépendance après le succès. Et il ne faut pas croire que la pratique d’une telle devise laisse impuissante et vouée à un esclavage sans espoir une nation digne de vivre ou de revivre. Une courte révolte a suffi, au milieu de ce siècle, pour rompre le lien qui plaçait sous la domination du roi de Prusse un des plus petits cantons de la Suisse. L’Irlande, misérable, aux trois quarts dépeuplée, sans le secours d’aucun État étranger, tient en échec toute la puissance des États Britanniques, et la conquête de son autonomie n’est peut-être pour elle que l’affaire de quelques mois. Tous les amis des nobles causes salueront son affranchissement comme ils salueraient celui de toutes les nations opprimées, et leurs applaudissements seront d’autant plus légitimes qu’ils pourront les donner sans que le succès ait été acheté par une nouvelle application d’un principe faux et dangereux de droit international.

Dans un seul cas, le « principe des nationalités » peut et doit être reconnu par le droit international. C’est lorsqu’il s’agit d’un de ces traités qui modifient la constitution territoriale des États, soit par la création d’un nouvel État, soit par l’agrandissement d’un État ancien. Ici s’applique la règle que nous avons posée pour les relations des États civilisés avec les peuples barbares et qui ne vaut pas moins pour celles des États civilisés entre eux. Il n’est pas permis de disposer d’un groupe d’hommes, à plus forte raison d’une nation, contre son gré. Les nations, tant qu’elles ne représentent que des aspirations, n’ont pas d’autres droits que ceux de tout autre groupe, mais elles les ont du moins tout entiers et jamais ils ne seront plus respectables que lorsqu’ils s’appuient sur tout cet ensemble de sentiments généreux et de fermes volontés qui constitue le patriotisme national.

Le moyen le plus direct et le plus simple de respecter les vœux des populations est de les consulter. Ce n’est, en réalité, qu’un moyen