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empirique. La réponse du suffrage universel pourra n’exprimer qu’un entraînement d’un jour, quand elle ne sera pas l’effet d’une pression. Dans tous les cas où il existe un vrai sentiment national, ses vœux sont assez clairs et parlent assez haut pour n’avoir pas besoin de la formalité d’un vote populaire. Il ne faut pas toutefois dédaigner cette formalité. Quelle qu’en soit la valeur, comme expression des opinions, elle est toujours une marque de respect.

Qu’elle soit faite après une guerre ou sans guerre, par un motif ou dans un intérêt quelconque, la cession d’un territoire, sans l’aveu des populations, n’est, pour l’État qui y consent ou qui la subit, que l’engagement de ne pas maintenir et de ne plus revendiquer ses droits sur le territoire cédé. Il ne lie, par cet engagement, que sa propre action et, par cela même qu’il abdique son autorité sur ses anciens sujets, il ne contracte aucune obligation en leur nom. Le fait de l’annexion crée un devoir de droit pour l’État qui n’a pu ou qui n’a pas cru pouvoir refuser d’acheter la paix à ce prix. Il ne crée aucun devoir pour la population elle-même. Le droit de conquête ne commence pour elle que le jour où la conquête morale s’est ajoutée à la conquête matérielle et l’a réhabilitée.

VII

En exposant les caractères constitutifs des États, nous avons déjà indiqué leurs devoirs et leurs droits respectifs. Les devoirs des États entre eux sont tout négatifs. Ils ne répondent qu’à cette première forme du droit que nous avons appelée droit au respect. Ils ont d’ailleurs les mêmes objets que les devoirs négatifs des particuliers entre eux. Les États, comme les individus, doivent se respecter dans leur existence, dans leur liberté, dans leurs biens, dans leur honneur, dans leurs engagements réciproques. Pour tous ces objets, le devoir des États est double. Non seulement ils doivent se respecter entre eux, mais ils doivent respecter dans chacun d’eux les droits individuels. Chaque État est le gardien né des droits de ses nationaux, et toute atteinte qui leur est portée par un autre État est une violation de ses propres droits.

Les États se doivent le respect ; ils ne se doivent pas l’assistance ou, du moins, ils ne se la doivent que s’ils y sont obligés par un traité. Dans ce cas, il n’y a pas proprement devoir d’assistance, il y a respect d’un engagement. Le droit à l’assistance ne prend une forme précise que dans la famille et dans l’État. D’individu à individu, c’est un droit imparfait, qui ne répond à des obligations rigoureuses que dans des cas exceptionnels. Nous avons indiqué, dans les guerres