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E. BEAUSSIRE.questions de droit des gens

civiles, quelques-uns de ces cas qui peuvent intéresser le droit des gens, mais ils ne l’intéressent qu’indirectement. Quand les victimes d’une guerre civile réclament la protection, soit de simples étrangers, soit même d’agents d’un gouvernement étranger, cette protection est accordée spontanément, par simple devoir d’humanité, en dehors des obligations qui lient les États entre eux. D’État à État, il n’y a pas de circonstances qui rendent l’assistance obligatoire. Elle n’est même pas un de ces actes de vertu, d’autant plus méritoires qu’ils vont au delà du devoir. La bienfaisance est une vertu, parce que chacun la pratique avec ses propres ressources ; mais l’État n’a pas d’autres ressources que celles qu’il demande aux contribuables et en échange desquelles il leur doit des services déterminés. L’assistance qu’il prête à ses nationaux n’est elle-même que l’acquittement d’une dette : celle qu’il prêterait, de pure bonne grâce, à un État étranger, serait un détournement du dépôt qui lui est confié. Les hommes d’État peuvent s’élever aux plus hautes vertus, dans l’accomplissement de leurs devoirs, par la façon dont ils les accomplissent ; mais, ici, il n’y a place pour aucune vertu, parce qu’il y aurait manquement au devoir. Les partisans d’une politique d’assistance à l’égard des États étrangers le sentent si bien qu’ils cherchent toujours à justifier leur intervention par un intérêt national. Si une telle justification est sincère, elle peut être légitime ; mais elle le sera précisément parce que l’État, en protégeant au dehors un intérêt national, ne sera pas sorti de ses attributions.

Un État, par des traités, peut étendre la sphère de ses obligations ; il ne peut cependant l’étendre jusqu’à en méconnaître le principe. Dans ses rapports avec les États étrangers, comme dans ses rapports avec ses nationaux, ces derniers seuls, dans leurs intérêts et dans leurs droits, doivent être l’objet de sa sollicitude. Un acte international, où un intérêt national serait sacrifié à un intérêt étranger, pourrait être légitime, il pourrait même être un devoir, mais à une seule condition, c’est qu’il serait commandé par une impérieuse raison de justice : hors de là, c’est une trahison de l’État envers lui-même.

VIII

Quand les droits naturels des États ou ceux qu’ils tiennent des traités donnent lieu à des conflits, les moyens pacifiques sont loin de faire défaut. On peut recourir soit aux négociations directes, soit à une médiation, soit à un arbitrage. Ce dernier moyen a eu, dans notre siècle, la double bonne fortune de résoudre, dans un grand