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ments musculaires de plus en plus délicats sont requis. Il y a une très grande différence entre la main de l’homme qui écrit ou qui joue du piano et celle de l’homme primitif. Le nie-t-on ? On ne niera pas que les muscles qui servent à l’expression de la pensée et du sentiment ne cessent de devenir, à mesure que la pensée se précise et que le sentiment s’affine, plus souples et plus capables de combinaisons motrices variées. Le langage est le jeu d’un appareil musculaire sur lui repose tout le développement de la connaissance et tout le progrès social correspondant. Nous ne faisons d’ailleurs ici qu’abonder dans le sens des vues générales acceptées par M. Romanes. Entre la faculté de discernement et la faculté d’adaptation volontaire, considérées dans leur évolution, le parallélisme est universel et constant (sauf dans les cas morbides) : l’homme ni l’animal supérieur ne font exception. Le principe posé serait donc seulement plus vrai que ne le croit l’auteur. Mais pourquoi M. Romanes, qui l’admet, en fait-il dans ses recherches une application aussi restreinte ? Le reproche que nous avons à lui adresser de ce chef est beaucoup plus grave : il porte sur l’économie tout entière de son œuvre.

À peine ces vues sont-elles émises, la volonté cesse d’être pour ainsi dire mentionnée. Il faut aller jusqu’à la fin du volume pour y découvrir une allusion à cet ordre de phénomènes. L’étude de la moralité sera, dit l’auteur, en tant que commune à la psychologie humaine et à la psychologie animale, réservée pour le volume ultérieur. « Pour la même raison, ajoute-t-il, j’ajournerai mon analyse des phases inférieures de la volition (forme supérieure de la volonté) et de l’abstraction, qui se rencontrent toutes deux au niveau que nous venons de citer (niveau 28) et où se termine notre étude sur l’évolution mentale des animaux. » Où se trouve donc l’analyse des phénomènes de volonté inférieurs à la « volition » c’est-à-dire inférieurs à la volonté réfléchie ? Nulle part. Le réflexe est inscrit dans le tableau sur la branche volonté immédiatement au-dessous de la volition, et il en est question çà et là dans l’ouvrage ; mais il n’est que trop évident qu’entre lui et la volition il y a un intervalle considérable. Cet intervalle est occupé, de l’aveu de l’auteur, par un progrès séculaire des adaptations motrices d’une part, des différenciations intellectuelles de l’autre. C’est le domaine immense de ce qu’on appelle l’instinct. Qu’est-ce que l’instinct ? phénomène d’intelligence ou phénomène de volonté ? M. Romanes l’a dit lui-même en termes de la dernière précision « L’excitation fournie par une sensation est à un acte réflexe ce que l’excitation fournie par une perception est à un acte instinctif », p. 153. (Cf. p. 40). Le réflexe est la source du vouloir, ne