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ESPINAS.l’évolution mentale chez les animaux

l’oublions pas. Si l’instinct est à la perception ce que le réflexe est à la sensation et ce que par suite la raison est à la volition délibérée, l’instinct est un phénomène de volonté intermédiaire entre le réflexe et la détermination raisonnée ; il ne fallait pas l’inscrire parmi les phénomènes d’intelligence, et l’étude si approfondie, si remarquable sous tous les autres rapports, qui en a été faite, devait former, précédée d’une analyse des réflexes, suivie d’une analyse de la volonté de choix, une grande section indépendante consacrée aux phénomènes subjectifs de la motricité. C’est ce qu’a fait Schneider[1]. M. Romanes connaissait son ouvrage si complet sur la volonté chez les animaux ; par quels motifs a-t-il repoussé ses solutions sans même les examiner, alors que, selon le principe posé plus haut par lui-même, les deux fonctions d’ajustement et de discernement restent parallèles au moins dans toute l’étendue de l’animalité ? L’économie du livre est profondément altérée par cette exclusion. Au premier coup d’œil d’ailleurs jeté sur le tableau on reconnaît que la volonté n’a été étudiée que sommairement ; le rameau principal qui la figure, tout volumineux qu’il est, ne présente, chose étrange, aucune ramification, il se dresse droit comme un cierge, tandis que le rameau Intelligence se subdivise en branches nombreuses. Ouvrez la table de l’ouvrage : pas un chapitre sur la volonté ; tous, sauf un, traitent de l’intelligence. Encore une fois pourquoi, si le devenir de ces deux facultés est parallèle, le degré de différenciation de l’une ne correspondrait-il pas à celui de l’autre ?

Un chapitre est consacré à l’histoire des émotions. Nous y voyons que la surprise et la crainte commencent au niveau 18 (celui des annélides), puis que les « émotions sexuelles », les affections parentales, les jeux, etc., font leur apparition aux niveaux suivants. Mais à quel ordre de faits appartiennent les émotions et méritent-elles de former une classe à part ? Les tendances et les désirs doivent-ils être confondus avec elles dans un même groupe ? Quel est le rapport des émotions dans leur ensemble avec les phénomènes de l’intelligence et les phénomènes du vouloir ? Quelle est leur fonction dans la vie de l’esprit ? Si leur développement est parallèle à celui des fonctions de discernement et d’adaptation, comment se fait-il que le rameau qui les figure n’ait que deux branches (le penchant de la conservation et celui de la sociabilité qui justement paraissent bien n’être pas des émotions), tandis que le rameau de l’intelligence en a six ? Enfin le jeu ne serait-il pas un ensemble de phénomènes de type différent, formant à lui seul une série très étendue aussi importante que la série des con-

  1. Der thierische Wille. Der menschliche Wille. Cf. la Revue.